Martin Kulldorff, professeur d’épidémiologie à Harvard, parle du « fiasco de santé publique » du Covid

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Je me permets de le dire sans ambages : l’entretien qui suit est de première importance pour comprendre la gestion de l’épidémie de Covid en termes de santé publique.

Le professeur Martin Kulldorff est l’un des épidémiologistes les plus respectés et les plus influents au monde. Enseignant à la Faculté de médecine de l’Université de Harvard, il a notamment été l’un des pionniers de la mise sur pied des systèmes de pharmacovigilance en matière vaccinale.

Les lecteurs réguliers de ce blog savent à quel point je me désole que les mesures de sanitaires adoptées depuis 18 mois aient été systématiquement contraires aux bonnes pratiques et à l’état de la science en santé publique.

On peut certes considérer que je n’y connais pas grand-chose, invoquer ma position académique et scientifique quelque peu excentrée, ou simplement me dénigrer comme on dénigre actuellement tous ceux qui osent contester les discours dogmatique des experts officiels.

Il est donc d’autant plus intéressant pour moi de pouvoir présenter à mes lectrices et lecteurs le discours honnête et scientifiquement remarquable de l’un des plus grands experts au monde en la matière.

Ce ne sera pas une mince surprise pour la personne mal informée (ou plutôt bien désinformée) que d’y trouver confirmé l’essentiel de ce que j’affirme sur ce blog depuis une année et demie.

Les mesures dites à tort « sanitaires » imposées depuis le début de cette « crise » n’ont aucune justification scientifique, elles sont même lourdement dommageables et constituent, du point de vue d’un des meilleurs experts au monde et de nombre de ses collègues, un « fiasco sans précédent ». Les pressions et même la coercition exercées sur la population pour la contraindre à se faire vacciner est non seulement contraire à l’éthique, mais plus redoutable encore que les pires discours antivaxx pour saper la confiance de la population envers les vaccins.

Les politiques sécuritaires, outre d’avoir été inutiles et destructrices, se sont avérées profondément injustes socialement, frappant les classes laborieuses et moins favorisées de la population tout en épargnant les classes aisées. Le Pr Kulldorff exprime ici sa stupéfaction devant cette somme d’absurdités et la virulence avec laquelle elles ont imposées à grands coups d’intimidation et de censure, y compris contre les meilleurs scientifiques en santé publique.

Les lectrices et lecteurs habitués de ce blog devineront sans peine que j’ai également quelques points de divergence avec Martin Kulldorff.

En particulier, son adhésion pleine et entière (en tout cas pour certains groupes de la population) à la vaccination génique expérimentale suscite en moi des réserves.

Comme il est naturel hélas dans ce milieu, il considère un peu ces nouveaux vaccins (encore jamais testés, utilisant une technologie nouvelle et pour laquelle nous n’avons aucun recul quant aux risques qu’elle pose à moyen et long-terme utilisée de la sorte) comme il le ferait de vaccins anciens aux profils de sécurité aujourd’hui bien connu.

Pareillement, il me semble survoler un peu vite les données de pharmacovigilance, qui signalent un taux d’effets indésirables et de mortalité post-vaccinales qui apparait plus alarmant que ce qu’il en dit.

Dans la foulée, il néglige la ressource des traitements précoces, alors qu’elle constitue précisément ce qui aurait permis de réserver la vaccination (en ultime nécessité) aux seuls groupes très à risque, les patients infectés pouvant aisément être soignés et donc protégés le temps de développer une immunité naturelle.

Comme l’ensemble de ses confrères, il escamote ou à tout le moins esquive la question fondamentale de la corruption systémique en santé. Celle-ci atteint aujourd’hui une telle intensité qu’il paraît peu raisonnable d’occulter cette question qui est à l’origine des choix terriblement dommageables qui ont été faits -pour le plus grand profit d’aucuns et tant pis pour les dégâts et les morts « collatéraux » comme l’on dit désormais pudiquement. Martin Kulldorff insiste sur le fait que de nombreuses vies auraient pu être sauvées en appliquant les bonnes pratiques, celles justement que l’on savait devoir mettre en œuvre en cas de pandémie.

Le professeur indique prudemment que si la justification des mesures de confinement n’est en tout cas pas sanitaire, c’est qu’elle doit être politique et botte en touche en affirmant qu’il ne connaît rien à cette question.

Pour le reste, on trouvera un exposé d’une intelligence, d’une probité et d’une authenticité remarquables.Une parole qui fait du bien dans sa radicale honnêteté, tranchant avec la propagande éhontée et unilatérale de nos experts locaux.

Cela aura été un travail de bénédictin que de traduire l’entier de cette interview, parue en anglais le 10 août dernier, grâce à l’autorisation (dont je la remercie) de la rédaction française du média en ligne Epoch Times.

Un peu d’eau a certes coulé sous les ponts entre-temps et les limites de la vaccination génique (notamment en termes de durée de l’immunité procurée et d’efficacité relative face au nouveau variant Delta) change quelque peu la donne. Sans même parler du nouveau variant Mu, sur lequel les premières recherches suggèrent que les vaccins géniques n’auraient plus aucun effet.

En dépit de ces différents points, l’entretien qui suit est du plus haut intérêt en ce qu’il met en lumière les lignes de force des questions de santé publique posées par les mesures prises au cours de cette crise sanitaire, à l’encontre des connaissances accumulées au cours des dernières décennies en santé publique.

Il restera peut-être à poser la question du décalage immense et à vrai dire quelque peu choquant entre ces éclairages et les incantations de nos « experts autorisés » que sont les Didier Pittet, Antoine Flahaut et autres Samia Hurst. Quand de tels personnages tiennent des discours radicalement opposés à ce que disent les meilleurs spécialistes au monde et tentent de nous faire croire que leurs injonctions (désastreuses selon le Pr Kulldorff) sont les seules à devoir être crues, on peut en effet jouer au singe qui se couvre la bouche, les oreilles et les yeux ou se demander par quel sortilège leurs recommandations vont systématiquement dans le sens de tourner le dos à l’éthique et à la science.

Rappelons encore que le Pr Kulldorff a, dans une plus récente prise de position déjà re-publiée sur ce blog, estimé que les recherches démontrant la contagiosité potentielle des vaccinés avaient définitivement « détruit » les arguments en faveur du pass qu’on nous impose envers et contre tout, surtout à vrai dire contre toute éthique et science digne de ce nom.

Ceci clairement posé et à l’issue de ce patient labeur, je vous souhaite une lecture aussi intéressante qu’enrichissante.

N.B: Je me suis permis dans mon travail de traduction de reprendre certaines tournures de phrase marquées par la forme orale de l’entretien, en supprimant parfois des répétitions tout en veillant comme il se doit le plus scrupuleusement possible à ne pas en altérer le sens originel. Il est bien sûr toujours possible de se référer au texte original en cas de doute.

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Martin Kulldorff, professeur d’épidémiologie à Harvard, parle des pass vaccinaux, du variant Delta et du « fiasco de santé publique » du Covid

« Ceux qui poussent à la mise en place de ces vaccins obligatoires et de ces passeports vaccinaux … font beaucoup plus de tort à la confiance dans les vaccins que n’importe qui d’autre« , déclare le Dr Martin Kulldorff, l’un des plus grands épidémiologistes du monde.

Dans cet entretien, le Dr Kulldorff nous parle de l’immunité au Covid-19, des vaccins, du variant Delta et nous explique pourquoi, selon lui, la réponse mondiale au Covid a été le « plus grand fiasco de santé publique de l’histoire. »

Le Dr Martin Kulldorff est professeur de médecine à la Harvard Medical School ainsi que biostatisticien et épidémiologiste au Brigham and Women’s Hospital. Il a contribué à l’élaboration du système actuel des CDC (Centers for Disease Control américains, NdT) pour la surveillance des risques potentiels liés aux vaccins et il est également l’un des coauteurs de la Déclaration de Great Barrington, qui préconise une « protection ciblée » des personnes les plus vulnérables, au lieu de confinements généralisés.

Jan Jekielek : Dr. Martin Kulldorff, c’est un plaisir de vous avoir sur American Thought Leaders.

Dr. Martin Kulldorff : C’est un plaisir, merci de me recevoir.

Jekielek : Cela fait environ un an et demi que dure la pandémie de coronavirus. Nous avons connu des périodes de confinement. Nous voyons des sorties de confinement en ce moment dans des endroits comme New York. Nous semblions nous rapprocher d’une sorte de normalité, et voilé qu’avec l’apparition du  nouveau variant Delta, il est à nouveau question de confinement.

Certains pays ont été en fait en confinements répétés ou même continus. Vous avez décrit la réponse globale du Covid comme (je vous cite) : « Le plus grand fiasco de santé publique de l’histoire« . Cela semble être une déclaration forte. Dites-m’en plus.

Dr. Kulldorff : Je pense que c’est en effet sans aucun doute le cas. Il y a deux aspects à cela. D’une part, alors que n’importe qui peut être infecté par le Covid, il y a une différence de facteur mille en termes de risque de décès entre les plus âgés et les plus jeunes. Avec cette croyance naïve que les mesures de confinement protégeraient tout le monde – alors que maintenant, évidemment, nous savons que cela n’a pas fonctionné – beaucoup de gens ont de toute manière été infectés par le Covid, et beaucoup en sont morts.

On croyait naïvement que ces mesures allaient protéger les personnes âgées. De ce fait, nous n’avons pas mis en œuvre les mesures de santé publique de base nécessaires à protéger ces personnes à haut risque. A cause de cela, beaucoup d’entre elles sont mortes inutilement du Covid. L’autre aspect de la question est celui des dommages collatéraux provoqués par ces confinements.

Par exemple, au printemps 2020, on a empêché les enfants d’aller à l’école. Les enfants sont exposés à un risque minuscule avec cette maladie en termes de mortalité. Ils peuvent être infectés, c’est certain, mais avec un risque inférieur à celui lié à la grippe annuelle, qui est déjà très faible pour eux. Ils ne couraient tout simplement aucun risque, comme l’exemple de la Suède le montre.

La Suède a été le seul pays occidental à ne jamais fermer les écoles. Les écoles et les garderies sont donc restées ouvertes pour les enfants âgés de 1 à 15 ans. Parmi les 1,8 million d’enfants en Suède pendant la première vague, il y a eu exactement zéro décès dû au Covid. Et ce, sans utiliser de masques, sans distanciation sociale et sans aucun test. Si un enfant était malade, on lui disait de rester à la maison, et c’était tout.

Il ne s’agit pas d’une maladie grave pour les enfants, ce qui est rassurant. Les jeunes adultes ont également un très faible risque de mortalité en lien avec le Covid. Alors que les dommages collatéraux de ces lock-downs ont été énormes.

Le bilan notamment des maladies cardiovasculaires a été mauvais pendant cette pandémie parce que les gens ne sont pas allés à l’hôpital. Les soins de santé dont ils auraient eu besoin n’ont tout simplement pas été disponibles, comme cela a été le cas également pour les patients diabétiques, par exemple.

Le nombre de cancers a en fait diminué en 2020 et 2021, mais ce n’est pas parce qu’il y a eu moins de cancers. C’est juste que nous ne les avons pas détectés. Et si nous ne les détectons pas, nous ne les traitons pas non plus. Cela n’apparaît pas dans les statistiques de cette année, sauf dans une très faible mesure. Mais disons que les femmes qui n’ont pas subi de dépistage du cancer du col de l’utérus pourraient mourir dans trois ou quatre ans, au lieu de vivre quinze ou vingt ans de plus.

Les dommages collatéraux de ces confinements sur la santé publique sont donc quelque chose avec lequel nous allons devoir vivre (et mourir) pendant de très nombreuses années, malheureusement. Et puis bien sûr, il y a l’impact sur la santé mentale, qui a été énorme et dramatique.

La réponse à la pandémie a vraiment été horrible et va à l’encontre des principes de base de la santé publique que nous suivons depuis de nombreuses décennies. C’est donc très regrettable.

Jekielek : C’est très intéressant. On aurait pu penser que les principes de base de la santé publique seraient mis en œuvre et appliqués dans cette situation. Alors pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ?

Dr. Kulldorff : C’est une très bonne question. Pour être honnête, je ne connais pas la réponse. Pour moi, en tant que scientifique et expert en santé publique, il est stupéfiant que nous ayons soudainement jeté aux orties ces principes que nous utilisons depuis des décennies pour traiter les questions de santé publique. L’un d’eux est que la santé publique concerne tous les résultats de santé. Il ne s’agit pas seulement d’une maladie comme le Covid. On ne peut pas juste se concentrer sur le Covid et ignorer tout le reste. Cela va à l’encontre de la façon dont nous faisons de la santé publique.

Une autre chose est que nous devons regarder les choses à long terme et pas seulement à court terme. Les gens ont été obsédés par la mortalité, pour un mois particulier, en comparant les pays, etc. Mais ce qui est important, ce n’est pas le nombre de décès pour un mois donné, c’est la mortalité globale à long terme pendant toute la durée de la pandémie, jusqu’à ce qu’elle soit terminée.

Une autre chose est que la santé publique concerne tout le monde dans la société. Avec ces confinements, nous avons protégé la classe « Zoom » qui peut travailler à domicile – des gens comme vous, des journalistes, des gens comme moi, des scientifiques, mais aussi des banquiers et des avocats.

Alors que ceux qui préparent la nourriture, les gens qui travaillent dans les supermarchés, dans les usines, ceux qui s’assurent que nous avons l’électricité, eux ont dû travailler. Le poids des mesures de confinement a donc été mis sur la classe moyenne et la classe ouvrière.

Et bien sûr, il a aussi pesé  sur les enfants, qui ont besoin d’une éducation. Le fait de ne pas dispenser aux enfants une éducation appropriée a des conséquences à long terme, et les écoles sont très importantes en termes de santé publique.

Les personnes aisées peuvent inscrire leurs enfants dans une école privée, engager un tuteur ou se permettre d’avoir un parent à la maison pour leur donner des cours. Tout cela n’est pas possible pour les personnes moins fortunées. Les enfants de la classe ouvrière ont donc été particulièrement touchés par cette réponse à la pandémie.

Jekielek : Vous dites que l’effet du Covid ou le risque du Covid pour ce jeune groupe d’âge est inférieur à celui de la grippe annuelle ? Je ne pense pas que ce soit quelque chose qui soit généralement connu.

Dr. Kulldorff : A l’heure actuelle, environ 350 décès d’enfants dus au Covid ont été signalés aux États-Unis. Nous ne savons même pas combien d’entre eux sont réellement dus au Covid, car personne n’a pris la peine d’examiner tous ces dossiers médicaux numériques, ce que le CDC devrait faire, comme Marty Makary, professeur à John Hopkins, l’a instamment demandé. Mais cela n’a pas été fait.

Si l’on compare, selon la gravité de la souche et l’année en question, entre 200 et 1’000 enfants meurent de la grippe annuelle chaque année. Évidemment, chaque décès est tragique, qu’il s’agisse de la grippe ou du Covid.

La mort d’enfants est particulièrement tragique, mais nous n’avons jamais fermé les écoles pour la grippe annuelle. En fait, il y aurait plus de raisons de le faire, car la grippe est de surcroît beaucoup transmise par les enfants.

Les écoles et les enfants sont donc l’un des moteurs de la propagation de la grippe, mais le contraire est vrai pour le Covid. La plupart des enfants qui sont infectés le sont par un adulte. Les enfants sont très peu à risque d’infecter les autres, et il est donc insensé de fermer les écoles. Nous l’avons constaté dans d’autres pays qui les ont gardées ouvertes. Nous n’aurions jamais, jamais dû fermer les écoles pour le Covid.

Nous devons à l’avenir laisser les écoles ouvertes. Nous devons laisser les enfants être des enfants. L’éducation est très importante et nous devons leur permettre de recevoir cette éducation physiquement. Nous savons que les enseignants comme les élèves ont rapporté que l’enseignement en ligne n’est évidemment pas aussi bon que l’enseignement en présence, et qu’il n’est pas non plus bon pour leur développement social ni pour passer du temps avec leurs amis.

Jekielek : Nous avons beaucoup entendu parler du variant Delta, avec beaucoup de gros titres effrayants sur ce variant. Vous avez décrit certains des dommages collatéraux et certains des problèmes rencontrés. Que pensez-vous de la discussion qui a lieu actuellement ?

Dr. Kulldorff : Pour tout virus, il y a des mutations, donc des variants. Et certains variants réussiront mieux que d’autres à se propager dans la population. Il n’est donc pas surprenant que certains variants prennent le dessus.  Le variant Delta est peut-être un peu plus contagieux, mais ce n’est pas ce qui change la donne.

Ce qui changerait la donne, c’est s’il apparaissait un variant qui se mettrait à tuer des jeunes et des enfants, ce qui n’est pas le cas du variant Delta. Ou s’il y avait un variant pour lequel l’immunité naturelle ou vaccinale ne fonctionnait plus.

Nous savons que si vous avez eu le Covid, vous avez une très bonne immunité, non seulement pour le même variant, mais aussi pour d’autres variants, et même une immunité croisée avec d’autres types de coronavirus.

Si par exemple vous avez contracté le Covid-19 à cause du SARS-CoV-2, vous êtes également immunisé contre le SARS-CoV-1, qui s’était propagé il y a une quinzaine d’années. Cela confère également une immunité protectrice contre les quatre autres coronavirus communs qui sont endémiques, auxquels nous avons tous été exposés et auxquels nous continuerons d’être exposés.

Je ne vois donc aucun problème avec le variant Delta ou tout autre variant qui changerait quoi que ce soit.

La meilleure approche est de s’assurer que nos personnes âgées soient vaccinées pour les protéger. Il faut ensuite absolument éviter de confiner : nous devons laisser les gens vivre leur vie normalement.

Les personnes âgées qui n’ont pas été vaccinées devraient se faire vacciner, puis attendre deux semaines. Au bout de ce délai, elles sont protégées et peuvent participer normalement à la vie de la société. Mais jusqu’à ce qu’elles soient vaccinées, bien sûr, tout le monde doit être très prudent.

Jekielek : Je voudrais parler de l’immunité naturelle dans un instant. Mais avant d’en parler, dans des endroits comme la Floride et la Louisiane, par exemple, il y a actuellement une recrudescence des cas. Qu’en pensez-vous ?

Dr. Kulldorff : Il est important de faire la différence entre les cas et la mortalité. Le fait que quelqu’un soit testé positif n’est pas nécessairement inquiétant. C’est quelque chose à quoi on peut s’attendre et qui va continuer à se produire. Parce que si le Covid-19 devient endémique, les gens vont être infectés. Si vous les testez, ils seront positifs.

Ils peuvent même avoir le virus qui se réplique avant que le système immunitaire n’entre en action. Certains d’entre eux pourraient même le propager. Mais tant que les personnes sont asymptomatiques ou légèrement symptomatiques, il n’y a pas lieu de s’inquiéter.

Ce dont nous devons nous préoccuper, c’est de la mortalité et des hospitalisations. L’avantage d’être immunisé (que vous ayez eu le Covid ou été vacciné), n’est pas d’éviter d’être infecté et d’avoir un test positif.

L’essentiel est que cela vous protège contre les formes de maladie grave et la mort. Nous pouvons voir que le ratio cas / mortalité commence à se découpler maintenant.

Par exemple, au Royaume-Uni, il y a eu une vague de cas qui a culminé à la mi-juillet. Il y a eu une très forte augmentation et maintenant ça diminue fortement. Pour ce qui est de la mortalité, on n’a vu qu’une petite variation. Il s’agit donc d’un contraste par rapport à la situation antérieure aux vaccins et à la protection ciblée, lorsque les cas augmentaient et que la mortalité augmentait également en parallèle. Mais les vaccins et l’immunité naturelle des personnes ayant eu le Covid ont permis de découpler tout cela.

Nous pouvons le voir en Suède, qui a connu comme partout une première vague. Lors de la deuxième vague, le nombre de cas a augmenté et la mortalité a également augmenté en proportion. Puis il y a eu une troisième vague qui a culminé en avril. Ce fut une troisième vague de cas, mais la mortalité a continué à baisser et elle est maintenant proche de zéro depuis plus d’un mois. Il y a donc eu là aussi un découplage. C’est en fait le variant Delta qui a provoqué la troisième vague. C’est lui qui a constitué la proportion croissante de cas au cours de cette troisième vague.

Nous voyons la même chose ici aux États-Unis maintenant avec la vague d’été observée dans les états du Sud. Il y a eu quelques augmentations de cas. Pour la mortalité, il y a une fluctuation parce que tout le monde n’est pas vacciné, tout le monde n’a pas eu la maladie, donc tout le monde n’est pas immunisé.

Il y a donc un petit écart, mais nous ne constatons pas une correspondance aussi étroite que par le passé entre les cas et les décès. C’est donc un élément positif et une très bonne chose. Cela montre que nous sommes en voie de passer de la phase pandémique à la phase endémique.

Nous aurons toujours le Covid-19 avec nous. Il ne va pas disparaître. Nous ne pouvons pas éradiquer un virus comme celui-ci, il sera toujours là. Lorsque les gens y sont exposés une deuxième, une troisième ou une quatrième fois, le système immunitaire les aide, les protégeant de faire une forme grave de la maladie ou de décéder.

Bien sûr, de nouveaux individus naissent chaque année et sont vulnérables. Lorsque les enfants naissent, ils ne sont pas immunisés contre ce virus particulier, mais nous savons qu’il est très bénin pour les enfants en général y compris les nouveaux-nés.

C’est donc une très bonne chose que ce virus ne soit pas dangereux pour les enfants lorsqu’ils l’attrapent pour la première fois. S’il existait un moyen de rester à l’écart du virus jusqu’à ce que vous ayez 80 ans sans jamais y être exposé – ce serait en réalité impossible – alors bien sûr arrivé à cet âge-là vous seriez à haut risque. Mais si vous avez été exposé pendant votre enfance et que votre système immunitaire s’est construit, la fois suivante, vous serez protégé par votre système immunitaire.

Jekielek : Vous avez mentionné que le virus sera toujours avec nous, pour ainsi dire. Je suis très curieux à ce sujet, car il semble que dans certains messages publics, nous essayons d’éradiquer complètement le virus. Mais mettons cela de côté pour une seconde. Je veux parler de l’immunité naturelle que vous avez mentionnée.

Il y a eu beaucoup de messages contradictoires au sujet de l’immunité naturelle. Vous dites qu’elle est forte, vibrante et utile. Mais en même temps, il y a une sorte de pression pour vacciner les gens, qu’ils aient ou non une immunité naturelle. Est-ce que je vois cela correctement ? Que se passe-t-il ?

Dr. Kulldorff : Tout d’abord, nous nous attendions à constater une bonne immunité naturelle contre un virus comme celui-ci. Ce n’est donc pas une surprise que ce soit le cas. Des études ont montré que l’immunité après avoir eu le Covid est très solide. Les gens peuvent être réinfectés et être testés positifs, mais il y a très peu de cas où quelqu’un ait été infecté une première fois et ait ensuite contracté une forme grave de la maladie.

Il y a des millions et des millions de personnes aujourd’hui qui ont déjà eu le Covid. Si les réinfections problématiques étaient courantes, on l’aurait vu partout, ce qui n’est pas le cas. Donc c’est en réalité très rare. Une fois que vous l’avez eu, vous avez une excellente protection (…)

Des données provenant d’Israël ont été publiées récemment et montrent que si vous avez été vacciné, vous avez 6,7 fois plus de chances d’être réinfecté que si vous avez eu la maladie elle-même. On peut donc s’attendre à ce que l’immunité conférée par la maladie soit meilleure que celle conférée par le vaccin. Et bien sûr, il n’y a pas que cette étude (NdT cette affirmation a été confirmée depuis, dans des proportions en effet supérieures.)

Sans connaître à ce stade tous les détails, nous pouvons affirmer avec certitude que le fait d’avoir eu la maladie vous confère une immunité au moins aussi bonne et probablement meilleure que le vaccin. Empiriquement, nous savons qu’après avoir fait la maladie, vous avez au moins un an et demi d’immunité solide, parce que c’est le recul que nous avons avec ce virus. Nous savons donc déjà que le fait d’avoir eu la maladie du Covid confère une immunité durable. (NdT pour le premier Sars-CoV de 2003, l’immunité est encore active chez les sujets l’ayant contracté à l’époque… soit plus de 17 ans plus tard. Pour l’influenza, on considère qu’elle dure une quarataine d’années pour la souche concernée.)

Pour le vaccin, nous avons moins d’informations car il n’est arrivé qu’en décembre, ce qui fait donc un peu plus de six mois. Nous savons que l’immunité est bonne pendant six mois. Avec un peu de chance, ce sera plus long, mais nous n’avons pas la même quantité de données, les mêmes preuves que pour une immunité naturelle due à la maladie.

Pour les scientifiques en santé publique, il est très surprenant que cela ne soit pas reconnu. On oblige des gens qui ont eu la maladie, et qui ont donc une immunité naturelle, à prendre un vaccin, alors qu’ils ont une immunité meilleure, ou au moins aussi bonne, que ceux qui n’ont eu que le vaccin.

En même temps, il y a beaucoup de gens qui ont besoin de ces vaccins et qui n’ont pas cette possibilité. C’est le cas en Inde, au Nigeria et au Brésil, où de nombreuses personnes âgées et surtout pauvres ne sont pas vaccinées parce qu’il n’y a pas assez de doses disponibles.

C’est donc sur ces personnes que nous devrions insister pour qu’elles soient vaccinées. Nous devrions considérer cela comme un effort global de vacciner les personnes âgées partout dans le monde, au lieu de vacciner des personnes qui ont déjà une très bonne immunité contre la maladie.

Jekielek : Vous avez mentionné que les gens sont forcés de prendre un vaccin. Je ne connais personne aux États-Unis qui soit réellement forcé de le prendre directement. Dites-moi ce que vous voulez dire quand vous dites cela.

Dr. Kulldorff : Il y a une pression à la fois pour l’obligation vaccinale et les pass vaccinaux. Si les gens veulent avoir un emploi et le conserver, ils sont souvent tenus de se faire vacciner sous peine d’être licenciés. S’ils veulent étudier, de nombreuses universités exigent désormais des vaccins pour tous les étudiants.

Il y a donc cette contrainte et ces pass « sanitaires » qu’on voit apparaître. À New York, par exemple, les restaurants sont désormais tenus de vérifier le statut vaccinal des personnes qui s’y rendent.

C’est une façon très coercitive d’inciter les gens à se faire vacciner, ce qui est très mauvais en termes de santé publique. La question se pose : « Pourquoi contraindre les personnes immunisées ou les personnes jeunes, qui présentent un risque très faible, alors que les vaccins sont beaucoup plus nécessaires pour les personnes plus âgées dans d’autres endroits ? »  C’est un aspect éthique de la question. Et je pense qu’il est en fait profondément contraire à l’éthique d’agir ainsi.

L’autre aspect est que si vous imposez quelque chose aux gens, si vous contraignez quelqu’un à faire quelque chose, cela peut se retourner contre vous. La santé publique doit être fondée sur la confiance. Si les responsables de la santé publique veulent que la population leur fasse confiance, ils doivent aussi faire confiance à la population. Je travaille sur les vaccins depuis près de deux décennies maintenant. Une chose que nous avons toujours essayé de faire est de maintenir la confiance dans les vaccins.

Par exemple, le vaccin contre la rougeole est très important, de même que le vaccin contre la polio. Il y a un petit groupe de personnes qui se font entendre, qui n’aiment pas les vaccins, mais ils n’ont pas vraiment réussi à entamer la confiance dans les vaccins, qui reste très élevée aux États-Unis. Nous avons donc très bien réussi à maintenir cette confiance.

Mais en ce moment, avec ces obligations vaccinales et ces pass sanitaires, toute cette logique de contrainte détourne beaucoup de gens des vaccins, et les conduit à perdre confiance pour des raisons très compréhensibles. « Pourquoi devez-vous forcer quelqu’un à prendre le vaccin, s’il est si bénéfique pour vous ? » C’est l’un des raisonnements qu’on entend.

Ceux qui poussent à la mise en place de ces obligations et pass vaccinaux – les fanatiques du vaccin, je dirais – ont fait beaucoup plus de dégâts en un an que les anti-vaxx en deux décennies. Je dirais même que ces fanatiques du vaccin sont les plus grands anti-vaxx que nous ayons actuellement. Ils font beaucoup plus de dégâts à la confiance dans les vaccins que n’importe qui d’autre.

Même s’ils parviennent à contraindre quelqu’un à se faire vacciner contre le Covid, parce que les gens se disent :  » D’accord, je dois le faire parce que je dois aller à l’université, ou parce que je veux ce travail, ou parce que je veux aller au restaurant« , cela les rendra en réalité méfiants à l’égard de la santé publique et les détournera des autres vaccins qui ne sont pas obligatoires.

Cela a donc des répercussions sur d’autres aspects de la santé publique qui sont très regrettables. Je suis originaire de Suède, donc je connais un peu ce pays. La Suède a l’un des taux de vaccination les plus élevés au monde, et la confiance dans les vaccins y est aussi la plus élevée au monde. Mais il n’y a absolument aucune obligation. Ce n’est pas comme ça que ça se passe, la vaccination y est complètement volontaire. Si vous voulez obtenir une grande confiance dans les vaccins, il faut que ce soit volontaire. Il ne devrait pas y avoir de contrainte.

Jekielek : Parlons-en. Vous avez dit qu’il y a une différence de facteur mille entre le risque d’une personne jeune et celui d’une personne âgée, en général, face au Covid. Alors, où se situe le seuil ? Y a-t-il une zone à haut risque ? Je suppose que vous suggérez que la plupart des gens devraient être vaccinés. Et il y a une zone à très faible risque. Dites-moi comment cela fonctionne.

Dr. Kulldorff : La façon dont je raisonne à ce sujet est que chaque fois qu’il y a un nouveau vaccin qui est mis sur le marché ou un nouveau médicament d’ailleurs, nous savons a priori qu’il fonctionne. Nous savons qu’il est efficace.

Nous connaissons aussi les effets indésirables courants. Pour certains vaccins, vous pouvez avoir mal au bras, une éruption cutanée ou de la fièvre, par exemple. Mais nous ne connaissons pas encore les effets indésirables rares mais graves lorsqu’un vaccin ou le médicament est approuvé pour la première fois. Il faut quelques années pour y parvenir.

Prenons maintenant quelqu’un qui a 76 ans. S’il est infecté par le Covid, le risque n’est pas extrêmement élevé, mais il pourrait très bien mourir du Covid. Donc, si le vaccin présente un faible risque, c’est une évidence de lui conseiller de se faire vacciner.

La protection offerte contre le Covid est bien plus importante que le risque, même minime, que présente le vaccin. Ainsi, les personnes âgées de 60, 70 et 80 ans devraient, à mon avis, absolument se faire vacciner, car les avantages sont considérables. Il peut y avoir un petit risque, mais ce risque est très faible.

D’autre part, si nous passons de l’autre côté du spectre, chez les enfants, nous savons que le risque de mortalité due à cette maladie est minuscule. Ils peuvent l’attraper, mais beaucoup seront asymptomatiques, ou seulement légèrement symptomatiques.

Le risque de conséquences graves est très, très faible. Toutefois, même s’il existe un faible risque de réactions indésirables graves dues aux vaccins, nous ne savons pas quelle est la balance en question. Nous ne le savions en tout cas pas lorsque ces nouveaux vaccins sont apparus, mais nous avons appris de plus en plus de choses sur les effets indésirables.

Nous savons maintenant que chez les jeunes, y compris les enfants, les vaccins Pfizer et similaires peuvent provoquer une myocardite, qui est une inflammation du cœur. C’est quelque chose que nous voulons vraiment éviter. La réalité de l’équilibre entre les avantages et les inconvénients de ces vaccins n’est donc pas du tout claire à ce stade pour les enfants.

Il pourrait y avoir, en outre, un ou d’autres effets indésirables que nous ne connaissons pas encore. Donc vacciner les enfants à ce stade n’a pas de sens. Vous avez posé une question sur les seuils et je ne sais pas où ils se situent, parce que c’est une réalité graduelle. C’est clairement défini aux deux extrémités, mais le milieu est moins clair.

Je ne peux pas dire ce qu’il en est à ce stade, mais nous devons être honnêtes sur ces questions. Disons que vous avez 25 ans et que le risque de mortalité lié au Covid est très faible. En revanche, si vous travaillez dans un hôpital ou dans une maison de soins, vous devriez certainement vous faire vacciner, pas nécessairement pour votre propre protection, mais pour protéger les personnes âgées avec lesquelles vous travaillez dans la maison de soins ou à l’hôpital.

Jekielek : Qu’en est-il de la situation suivante, qui est probablement un cas sur lequel beaucoup de gens se posent des questions aujourd’hui ? Vous avez un parent âgé, par exemple une grand-mère. La grand-mère a été vaccinée et vous avez un petit enfant ou un jeune de 25 ou 30 ans qui veut venir rendre visite à la grand-mère. Pour cette raison, faut-il les vacciner ? Comment devons-nous penser à cela ?

Dr. Kulldorff : Grand-mère devrait être vaccinée. C’est la chose la plus importante. C’est ce qui va la protéger, peu importe qui elle rencontre. Je suis sûr que cette grand-mère veut voir ses petits-enfants, ce qu’elle devrait faire et en profiter. En ce qui concerne le Covid, les enfants ne sont pas de bons transmetteurs de la maladie.

Si vous êtes vieux ou fragile, votre système immunitaire s’affaiblit. Beaucoup de personnes âgées meurent d’un coronavirus que la plupart d’entre nous sommes capables de gérer parce que nous avons encore un bon système immunitaire.

Qui sait où cette grand-mère âgée va attraper ce virus ? Ce n’est pas forcément le Covid, ça peut être autre chose. Ça pourrait être la grippe, mais aussi l’un des autres coronavirus ou tout autre virus.

Les personnes âgées l’attraperont forcément de quelqu’un, quelque part, mais nous ne devrions pas commencer à blâmer les enfants, par exemple. Si c’est un enfant qui se trouve être le porteur, ou si c’est quelqu’un au supermarché, ou peut-être le voisin (cela peut être n’importe lequel de ces cas de figure), nous n’avons jamais imaginé jusqu’ici de blâmer ces personnes pour avoir tué grand-mère et nous ne devrions jamais commencer à le faire (NdT comme certaines campagnes télévisées odieuses l’ont fait en France par exemple).

Jekielek : Je veux réitérer ceci parce que ce n’est pas connu de tous. Nous ne cessons de voir ces gros titres selon lesquels ce politicien, pourtant vacciné, a été testé positif au Covid. Apparemment, c’est une chose normale. Une grand-mère peut l’attraper de quelqu’un qui est vacciné, de quelqu’un qui n’est pas vacciné, ou y être exposée d’une manière ou d’une autre. Il n’est pas clair dans quelle mesure la vaccination peut aider.

Dr. Kulldorff : C’est vrai. Le système immunitaire agit pour prévenir les maladies graves et la mort, mais il ne vous empêche pas d’être exposé ou de voir le virus pénétrer dans votre corps, car le système immunitaire ne peut pas entrer en action tant que le virus n’est pas déjà dans votre corps.

Selon le temps écoulé depuis que vous avez eu le Covid ou reçu le vaccin, le temps nécessaire pour combattre le virus une fois qu’il est là peut varier. Si vous avez été vacciné très récemment, vous avez encore tous ces anticorps et le virus peut être éliminé très rapidement.

Mais si cela fait un certain temps, le virus peut commencer à se reproduire dans votre corps et vos cellules avant que le système immunitaire n’intervienne et s’en occupe. Pour quelqu’un qui a eu le Covid ou qui a reçu le vaccin et a été testé positif au Covid, c’est ce qui devrait se produire. Il ne devrait donc pas y avoir le moindre gros titre à ce sujet.

Si nous faisions cela avec tous les virus que nous avons – nous en traitons des dizaines – si nous les testions tous, et s’il y avait un gros titre dès qu’un politicien est testé positif pour l’un d’entre eux – un gros titre effrayant et un article de journal effrayant-  alors nous nous cacherions tous sous nos lits en permanence.

Nous ne pouvons pas faire cela. Cela fait partie de la société et de notre condition naturelle en tant qu’êtres humains que d’être confrontés à tous ces virus. Nous avons un système immunitaire et c’est une belle chose. C’est une chose fantastique, biologiquement, que la manière dont il fonctionne. Nous avons vécu ainsi pendant des centaines de milliers d’années, et nous devons continuer à le faire.

Ce qui est nouveau avec ce Covid-19, c’est qu’il s’agit d’un nouveau virus face auquel tout le monde est a priori sans défenses. Personne n’est immunisé contre lui. Certaines personnes peuvent toutefois déjà avoir une immunité croisée du fait de contacts avec d’autres coronavirus. Lorsque tant de personnes sont vulnérables, on assiste à des vagues d’infections et à une pandémie.

Elle a débuté à Wuhan, en Chine, avec une épidémie qui s’est ensuite déclarée dans le nord de l’Italie, ainsi qu’en Iran. Dès que j’ai entendu parler de ces épidémies, j’ai compris qu’il s’agissait d’une pandémie mondiale, car personne ne savait comment elle était arrivée dans ces deux pays.

On ne sait pas exactement qui l’a apporté là-bas. Il était clair que c’était très contagieux et que cela finirait par atteindre toutes les parties du monde. Et c’est exactement ce qui s’est passé.

Jekielek : Il semble que l’on se concentre sur ce concept de flambées infectieuses, comme si cela constituait un problème important pour l’efficacité du vaccin. S’agit-il d’une idée fausse ?

Dr. Kulldorff : Oui, je le pense. Je ne pense pas que nous devrions être si préoccupés par cela. L’essentiel est que l’immunité naturelle due au Covid et les vaccins vous protègent contre les maladies graves et la mort. C’est la chose la plus importante.

Même si vous êtes immunisé comme nous venons de le voir, vous pouvez avoir été exposé et porter le virus car le système immunitaire n’entre pas en action tant que le virus n’est pas là. Votre système immunitaire peut réagir ensuite très rapidement, ou le virus peut commencer à se répliquer dans les cellules, ce qui prend un peu plus de temps. Mais votre système immunitaire est toujours là pour s’en occuper et vous protéger d’une évolution problématique.

Jekielek : Parlez-moi du fait que le nouveau coronavirus sera toujours avec nous. Il y a beaucoup de confusion au sujet des politiques et de ce qu’elles essaient réellement d’accomplir. Les politiques de santé doivent-elles viser à éradiquer entièrement ce virus ? Est-ce même possible ? Vous avez dit plus tôt que cela ne l’était pas. Quel devrait alors être l’objectif si ce n’est pas la voie à suivre ?

Dr. Kulldorff : L’Australie par exemple a eu un objectif d’éradication. On peut voir les choses de deux façons. D’une part, vous pouvez dire qu’ils n’ont pas réussi parce que la maladie est toujours présente. Ou vous pouvez dire qu’ils ont très bien réussi parce qu’ils l’ont fait six fois. A chaque fois qu’il y a un confinement, ils l’éradiquent, et ensuite le virus revient, ils répètent l’opération et l’éradiquent ainsi plusieurs fois de suite. Ce qui montre qu’il n’est tout simplement pas possible d’éradiquer le virus. Il restera avec nous.

L’essentiel, c’est qu’une fois que nous aurons tous été immunisés par la maladie ou par les vaccins – en général, si vous êtes vacciné, vous serez de toute manière exposé une deuxième fois – nous pouvons améliorer encore notre réponse immunitaire individuelle et collective. C’est ce qui va se passer. Ce sera comme les quatre autres coronavirus auxquels nous sommes déjà confrontés et avec lesquels nous vivons depuis longtemps.

Il n’y a que deux maladies qui ont été éradiquées. L’une est la variole, ce qui a demandé un effort normal, mais c’était aussi un bien meilleur candidat. L’autre est la peste bovine, qui est une maladie du bétail.

Ce sont les deux seules maladies qqu’on ait réussi à éradiquer. Nous nous battons depuis longtemps pour éradiquer la polio. Je pense qu’il est possible d’y arriver et nous devons poursuivre nos efforts.

Jekielek : Qu’en est-il des pays ou des états qui ont connu des confinements successifs ? Sommes-nous face à une sorte de modèle de « confinement permanent »  ou « à répétition »? À quoi peuvent-ils s’attendre si, comme vous l’avez dit, le virus est destiné à devenir endémique dans ces pays ? Il semble, comme vous l’avez mentionné, qu’il y ait d’énormes coûts collatéraux à agir ainsi.

Dr. Kulldorff : La question que je vais devoir poser au Canada et à l’Australie est : « Quelle est la finalité de vos mesures sanitaires ? » Parce que vous ne pouvez pas continuer à confiner indéfiniment. L’Australie avait un certain avantage car il s’agit d’une maladie saisonnière.

C’est une bonne chose pour elle que l’Australie se trouve dans l’hémisphère Sud, car le nouveau coronavirus est arrivé en hiver dans l’hémisphère Nord, où il se propage très facilement. Dans l’hémisphère Nord, il était donc impossible de le supprimer.

Comme l’Australie l’a vu arriver pendant l’été austral, ils ont pu le supprimer dès leur premier été, qui était un hiver pour nous. Ils ont fermé les frontières avec des quarantaines sévères. Ils ont donc eu l’avantage de pouvoir le faire, et avec succès. D’un autre côté, ils n’ont pas été capables de l’empêcher d’entrer. Il continue à revenir et ils doivent donc continuer à imposer des quarantaines.

Sans vaccin, ils devraient faire cela pour toujours, ce qui n’aurait aucun sens. Nous avons eu beaucoup de chance, la mise au point de vaccins a été un énorme succès pendant cette pandémie où il y a eu tellement de fiascos.

Cela a été un vrai succès que d’obtenir aussi rapidement ces vaccins. Ce que l’Australie doit faire maintenant, c’est dire : « D’accord, toutes les personnes âgées devraient être vaccinées. » Puis lever le confinement et ouvrir. Protéger les personnes âgées qui sont à haut risque par des vaccins. Si elles ne veulent pas se faire vacciner, elles doivent se protéger en prenant de la distance physique.

Mais ils devraient mener à bien cette vaccination et ensuite s’ouvrir normalement car le virus deviendra endémique en Australie, comme dans tous les autres pays. Pour l’instant, parce qu’ils l’ont tellement supprimé précisément, ils n’ont pas obtenu les mêmes niveaux d’immunité que nous avons par exemple aux États-Unis ou au Royaume-Uni, ou en Europe.

Jekielek : C’est assez fascinant. En gros, vous dites qu’en imposant des confinements, vous ne faites que retarder un processus inévitable. Est-ce que je comprends bien ?

Dr. Kulldorff : Oui. Il y a bien sûr beaucoup de dommages possibles pendant ce processus. On pourrait donc argumenter et dire qu’il fallait appliquer ces restrictions jusqu’à ce que les vaccins soient disponibles. Même avec cette logique, ils devraient maintenant s’ouvrir. La question de fond est : combien de temps cela vaut-il alors la peine d’attendre un vaccin sachant que les dommages collatéraux des confinements sont assez graves ?  Ils l’ont en effet été  en Australie, et plus encore au Canada.

Cela vaut peut-être la peine de faire ces confinements pendant deux mois jusqu’à avoir un vaccin, mais attendre une année entière, c’est provoquer trop de dommages collatéraux sur la santé de la population, ainsi que sur l’éducation et d’autres aspects essentiels de la société. Les dommages sont trop importants et cela n’en vaut pas la peine.

Il aurait été préférable pour nous d’assurer une protection ciblée ou de protéger les personnes vulnérables et de faire du bon travail à cet égard, ce que nous n’avons simplement pas fait.

Jekielek : Pour en revenir aux dommages collatéraux, vous avez mentionné les coûts liés à la santé mentale. Je me souviens d’avoir lu une statistique, que j’ai répétée à plusieurs reprises lors d’entretiens, selon laquelle 25 % des adolescents avaient des idées suicidaires, soit un sur quatre, dans le cadre d’une étude. Je ne savais même pas quoi en penser. Pouvez-vous nous en dire plus sur les coûts collatéraux touchant la santé mentale ?

Dr. Kulldorff : Oui, c’est très tragique. Le chiffre normal était de 4 ou 5% et maintenant, il est de 25%. Ce qui est vraiment dramatique. Nous avons eu beaucoup de conséquences dommageables sur la santé mentale. Les overdoses d’opioïdes ont également augmenté. Bien sûr, une grande partie de ce phénomène n’est pas mesurable, car il est en partie caché.

En tant que société, nous devons vraiment faire des efforts pour réparer ces dommages et surmonter cette situation. Je ne parle pas seulement des psychiatres, des psychologues et des accompagnants,chacun d’entre nous doit assumer ce rôle auprès de ses voisins, de ses proches et de ses collègues de travail. L’église et les autres organisations religieuses ont aussi un rôle important à jouer pour aider les gens.

Nous devons collectivement, en tant que société, essayer de réparer tous ces dégâts causés à  la santé mentale de la population que nous avons vus pendant cette pandémie.

J’ai trois enfants, mon aîné a 18 ans. Je ne me suis jamais inquiété pour lui à cause du Covid, parce qu’il est jeune, et qu’en fait il s’en sortait plutôt bien. Mais j’étais très inquiet pour sa santé mentale. Je l’ai donc encouragé pendant toute la pandémie à sortir. « Joue au basket avec tes amis, passe du temps avec eux et fais des activités. » Parce que c’était ma préoccupation, je voulais qu’il conserve une vie aussi normale que possible.

Jekielek : Un certain nombre de personnes avec qui j’ai parlé, y compris dans cette émission, ont mentionné qu’avec le CDC et la FDA (Food and Drug Administration, NdT) certaines des données nécessaires pour avoir une image complète de la réalité de cette maladie et des vaccins n’ont tout simplement pas été récoltées. Que pensez-vous de cela ?

Dr. Kulldorff : C’est vrai, malheureusement. Il y a quelques données essentielles qui devaient être recueillies. C’est le rôle du CDC de le faire. En particulier, il faudrait mener des enquêtes régulières sur la prévalence de l’immunité des anticorps, ainsi que sur l’immunité des cellules T, afin que nous sachions quel est le niveau d’immunité de la population dans les différents états. Mais aussi des enquêtes aléatoires, à travers le pays, au fil du temps.

L’Espagne a fait cela au printemps 2020, ils ont réalisé une enquête aléatoire sur 60’000 personnes, de différents âges et dans différentes régions. Cela a été fait à d’autres endroits. Mon collègue, Jay Bhattacharya (de l’Université de Stanford, NdT) , a réalisé une première enquête dans le comté de Santa Clara (en Californie). Ce sont des actions que les CDC devraient mener dans tout le pays et à intervalles réguliers. C’est une première chose.

Une autre chose sur laquelle nous n’avons pas réussi à collecter de données solides est le nombre de décès déclarés dus au Covid. Beaucoup d’entre eux sont vraiment dus au Covid, mais certains ne le sont pas. Des personnes sont mortes plutôt avec le Covid. Nous n’avons pas une bonne idée du nombre de personnes appartenant à chaque groupe. Il peut donc s’agir de la cause principale, d’une cause secondaire ou d’une cause totalement étrangère.

Encore une fois, nous ne pouvons pas interroger tout le monde, mais nous pourrions mener des enquêtes aléatoires dans différents endroits et dans différents groupes d’âge pour voir combien de ceux qui ont été signalés sont en fait morts avec le Covid, plutôt que du Covid. Pour les enfants, comme on l’a vu, il y a environ 350 enfants qui ont été déclarés morts du Covid sans que l’on sache réellement ce qui leur est arrivé.

Nous devrions examiner tout le monde, comme l’a proposé Marty Makary de l’Université John Hopkins. C’est quelque chose que le CDC pourrait facilement faire. Ils ont les ressources et le personnel nécessaire pour consulter les dossiers médicaux et voir combien de personnes sont effectivement mortes du Covid ou d’une autre cause mais avec le Covid. Vous avez besoin de ce type d’informations essentielles pendant une pandémie pour décider de la stratégie à utiliser. Ces données n’ont pas été collectées comme elles auraient dû l’être.

Jekielek : Et du côté de la sécurité des vaccins ? C’est en fait un domaine important dans lequel vous êtes impliqué depuis longtemps.

Dr. Kulldorff : Le meilleur système dont nous disposons pour assurer la sécurité des vaccins est le Vaccine Safety Data Link (lien des données sur la sécurité des vaccins), qui est géré par le CDC. C’est un excellent programme. J’y ai participé pendant près de vingt ans, en développant un grand nombre des méthodes qui sont utilisées. Ils exploitent les dossiers médicaux numériques pour voir exactement qui a été vacciné, et qui ne l’a pas été.

Ils savent exactement ce qui est arrivé aux patients par la suite. Ont-ils eu une attaque, une crise d’épilepsie ou une crise cardiaque plusieurs jours après le vaccin ? Il est alors possible de comparer ces résultats avec ceux que l’on peut attendre aléatoirement, car on connaît également ces données au sein de la population de base de ceux qui n’ont pas été vaccinés.

C’est donc un très bon système et il est très bien utilisé pour le Covid. Le seul problème est qu’il couvre 10 millions de personnes, soit environ 3 % de la population américaine. La taille de l’échantillon est telle qu’il faut du temps pour obtenir et compiler les informations.

Le système VAERS [Vaccine Adverse Event Reporting System], qui est le plus connu, est moins fiable car il s’agit de rapports spontanés. N’importe qui peut les signaler, et il est connu qu’il y a une sous-déclaration importante.

Mais il n’y a pas non plus de bons dénominateurs. Il est difficile de déterminer quels devraient être les chiffres attendus. Il y a eu beaucoup d’idées fausses et de malentendus sur ce système parce que ces rapports sont accessibles au public.

On peut voir qu’il y a eu un certain nombre de crises cardiaques ou un certain nombre de décès après la vaccination, mais il est évident qu’ils peuvent aussi être le fruit du hasard. Les CDC publient ces chiffres bruts, ce qui est parfois interprété à tort comme signifiant que tous ces décès ont été causés par le vaccin, ce qui est faux.

Donc, ce que le CDC ne fait pas, et qu’il devrait faire, c’est d’obtenir une sorte de dénominateur. Ce n’est pas si facile à faire, mais ça peut être fait. Les décès enregistrés sont-ils vraiment quelque chose d’inhabituel dont nous devons nous inquiéter, ou sont-ils juste le fruit du hasard ?

Si vous donnez un vaccin à un million de personnes, certaines d’entre elles vont mourir le mois suivant, et cela n’a rien à voir avec le vaccin. Il y a un certain nombre de personnes qui meurent chaque mois, et il y a donc eu beaucoup de malentendus à ce sujet. Lorsque le CDC donne une sorte de taux de base, il invite les gens à mal le comprendre et à tirer des conclusions erronées des données.

Jekielek : Il semble bien qu’il y ait un pic de signalement dans le système VAERS. J’ai regardé un graphique qui montre une base de référence pour les rapports, puis les vaccins Covid arrivent et il y a un gros pic de rapports. Qu’est-ce que cela signifie ?

Dr. Kulldorff : Je ne suis pas surpris par cela, ni par le fait que le pic soit plus important que ce à quoi on pourrait s’attendre. Je ne suis pas surpris qu’il augmente et que vous receviez plus de rapports sur les vaccins Covid que sur la moyenne des vaccins. Parce que la plupart des vaccins sont administrés à des enfants et qu’il ne se passe pas grand-chose. Ils se présentent généralement en très bonne santé. Et s’ils ont une infection ou un autre problème sans grande gravité, cela n’est généralement pas signalé.

Mais lorsque vous administrez des vaccins à des octogénaires, des incidents de santé surviennent forcément à cet âge. Vous pouvez donc vous attendre à ce qu’il y ait beaucoup plus de décès sans qu’il y ait forcément de lien causal. Il y a beaucoup plus d’événements signalés lorsque des personnes âgées sont vaccinées que lorsque des personnes plus jeunes sont vaccinées.

En ce sens, je ne suis pas surpris qu’il y ait un pic. Évidemment, cela s’explique en grande partie par le fait qu’il s’agit d’un nouveau vaccin et qu’il suscite beaucoup d’attention. Cela peut donc aussi augmenter le nombre de rapports.

Avec le virus, il y a beaucoup de biais en ce qui concerne les personnes qui déclarent, la quantité de données déclarées et ce qu’elles déclarent. Cela est lié à la nature des rapports du système. C’est pourquoi le Vaccine Safety Data Link est bien meilleur, car il n’est pas basé sur la déclaration des personnes.

Il est basé sur le comportement normal d’aller à l’hôpital et chez le médecin pour n’importe quel problème, donc il y a moins de biais, parce que si vous avez une crise cardiaque, vous allez à l’hôpital, que vous ayez le vaccin ou non. Or votre statut vaccinal sera enregistré.

Il y a donc tous ces biais de déclaration qui font du VAERS un système difficile à utiliser. Il reste très important pour les événements qui se produisent peu de temps après le vaccin. Par exemple, nous savons que les vaccins Covid peuvent provoquer un choc anaphylactique, généralement dans les 30 minutes suivant la vaccination. Cela, nous le savons grâce au système VAERS.

Tant que les gens restent sur les lieux, et qu’ils peuvent recevoir un traitement approprié en cas de besoin, il n’y a pas de danger de mort. Donc pour ces choses-là, c’est utile. Mais pour beaucoup d’autres choses, le VAERS n’est pas aussi utile, surtout avec la façon dont les données sont présentées actuellement. Il pourrait être beaucoup mieux fait.

Jekielek : Vous êtes l’un des auteurs de la Déclaration de Great Barrington. C’est là que vous exposez cette idée de protection ciblée avec le Dr Jay Bhattacharya et le Dr Sunetra Gupta. La diffusion de cette information et sa mise en avant ont suscité des retours de flamme importants. Parlez-moi de ce que vous avez vécu.

Dr. Kulldorff : Tout d’abord, il n’y avait vraimen rien de nouveau dans la Déclaration de Great Barrington, car elle proposait fondamentalement la même chose que les plans « pandémie » que les différents pays avaient préparés avant le Covid. Il n’y avait donc rien de nouveau ou d’inédit, rien que nous n’ayons dit auparavant, ou que d’autres personnes n’aient dit dans des documents ou des ouvrages similaires.

Ce qui était très frustrant, c’est que dans les médias, on avait l’impression qu’il y avait un consensus scientifique en faveur du confinement. Cependant, mes collègues et moi-même, ainsi que d’autres experts en maladies infectieuses, étions majoritairement d’avis que le confinement n’était pas la bonne approche et qu’une protection ciblée était plus indiquée. Mais dès que quelqu’un s’exprimait, il était ignoré ou réduit au silence, ou encore on disait à son sujet : « Oh, ce n’est qu’un fou ! »

Ce que nous avons fait avec la Déclaration de Great Barrington, c’est que nous nous sommes regroupés à trois experts (de réputation mondiale NdT) travaillant tous depuis longtemps dans le domaine des maladies infectieuses. Ils ne pouvaient donc pas nous rejeter en prétendant que nous n’étions pas dans le bon domaine scientifique. Venant d’Oxford, de Stanford et de Harvard, qui sont toutes des universités raisonnablement respectables, ils ne pouvaient pas non plus nous écarter d’un revers de main.

C’était donc l’objectif : prendre ce que beaucoup de gens pensaient déjà et le rendre impossible à ignorer. Et je pense que cela a réussi. Il y a eu un retour de manivelle de la part des médias, de certains politiciens, et aussi de quelques collègues scientifiques. Mais il y a eu aussi un énorme soutien.

Nous avons obtenu très rapidement plus de 10’000 signatures, avec des cosignataires qui étaient des scientifiques, des spécialistes de la santé publique et des experts en technologies de santé. Dans le même temps, nous avons reçu plus de 850’000 signatures du public également, au total.

Il y avait donc beaucoup de soutien de la part de la communauté scientifique et de la communauté médicale pour la Déclaration de Great Barrington, mais elle a été vilipendée dans les médias. A l’époque, en octobre 2020, notre philosophie était de dire clairement qu’il n’y avait pas de consensus scientifique en faveur des confinements. Ceci posé, d’aucuns pouvaient bien dire toutes les choses malveillantes qu’ils voulaient sur nous.

Faire passer ce message était l’étape la plus importante à l’époque. Et je pense que nous avons réussi.

Donc, en ce sens, nous sommes très satisfaits du résultat. Il y a eu des attaques personnelles, mais nous nous y attendions plus ou moins. Je suis surpris qu’on ait déformé et vilipendé la Déclaration pour des motifs qui n’avaient pas lieu d’être, au lieu de la prendre comme une base de discussion sérieuse sur la façon de mieux protéger les personnes âgées.

Nous avons formulé des propositions très concrètes, qui devaient évidemment être adaptées aux différents pays. Des propositions concrètes pour les personnes dans les maisons de retraite, ainsi que pour les personnes vivant seules à domicile.

Cette discussion n’a jamais eu lieu, malheureusement. C’est tragique, car cela aurait permis de sauver de nombreuses vies lors de la deuxième vague que nous savions à venir. C’est la raison pour laquelle nous avons rédigé la déclaration en octobre, car nous savions qu’une autre vague allait se produire en hiver dans l’hémisphère Nord.

Il y a eu aussi de la censure de la part de Twitter, de Facebook et de YouTube, propriété de Google. En tant que simple scientifique, j’ai été un peu choqué de me retrouver soudainement dans une telle situation. Je pensais que je serais un simple scientifique pour le reste de ma carrière, puis que je prendrais ma retraite. C’est donc une situation très étrange, mais c’est ma foi ce qui s’est passé.

Jekielek : Pourquoi pensez-vous qu’ils étaient si déterminés à vous censurer, vous et ces autres scientifiques.

Dr. Kulldorff : Parce qu’ils n’avaient pas de bons arguments de santé publique à nous opposer. Ils ne pouvaient pas répondre avec des arguments pertinents disant qu’il fallait imposer des confinements pour telle ou telle raison, parce que ces verrouillages vont à l’encontre des principes de santé publique. Alors que la protection ciblée que nous avons proposée est tout à fait conforme à la connaissance acquise et aux bonnes pratiques.

Ils n’avaient donc pas vraiment de bons arguments scientifiques. Si vous n’avez pas cela, que vous voulez quand même faire pression et que vous ne pouvez plus ignorer une prise de position comme la nôtre, que vous ne pouvez plus faire taire les gens, alors vous devez utiliser soit la diffamation, soit la censure.

Jekielek : Mais pourquoi ne pas simplement prendre en considération ce que vous proposiez ?

Dr. Kulldorff : C’est une bonne question. Je n’en sais rien, car il n’y a pas de raisons sanitaire à cela, ni biologiques, ni scientifiques. Et donc ça relève de la politique. Je ne comprends pas quelles étaient les raisons politiques derrière tout cela. Il doit y avoir quelque chose, mais en tant que journaliste, vous comprenez probablement mieux la politique que moi en tant que scientifique. D’autres personnes devront essayer de les comprendre et de les expliquer, mais ce n’est pas mon domaine d’expertise (NdT je m’y emploie modestement sur ce blog depuis 18 mois puisque c’est précisément le mien.)

Jekielek : Mais le coût de tout cela est un nombre incalculable de vies ?

Dr. Kulldorff : Oui. Les dommages collatéraux sont énormes et ils sont à long terme. Nous allons avoir cela avec nous pendant longtemps, malheureusement.

Jekielek : Il y a un élément étonnant ici. La mise en œuvre de ces campagnes de vaccination assure effectivement cette sorte de protection ciblée, n’est-ce pas ?

Dr. Kulldorff : Oui.

Jekielek : Il est très intéressant de voir comment les choses se sont en réalité passées.

Dr. Kulldorff : Oui. Lorsque le vaccin est apparu, c’était le meilleur outil disponible pour une protection ciblée ou pour protéger les personnes âgées. Il y aurait eu d’autres choses à faire avant cela. Mais bien sûr, quand le vaccin est arrivé, c’était un outil idéal pour protéger les personnes âgées à haut risque. C’était donc une très bonne chose, une grande chose. Et je pense que les vaccins ont sauvé de nombreuses vies.

Jekielek : Ce que je veux dire, c’est que d’une certaine façon, la Déclaration de Great Barrington a été mise en œuvre malgré le fait qu’elle ait été si malmenée.

Dr. Kulldorff : Ca a été le cas dans de nombreux endroits. Elle a été mise en œuvre en termes de vaccination, ainsi que par d’autres moyens de protéger les personnes âgées dans certains territoires, comme par exemple la Floride.

Jekielek : Directement dans ce cas, n’est-ce pas ?

Dr. Kulldorff : Oui. Avec les vaccins, la plupart des pays ont mis l’accent sur les personnes âgées, mais cela varie un peu d’un pays à l’autre. Par exemple, la Suède et la Floride ont mis l’accent sur les personnes les plus âgées. Ils avaient un ordre très strict dans la distribution des vaccins. En Suède, certaines personnes ont même perdu leur emploi parce qu’elles avaient joué des coudes et s’étaient procurées des vaccin alors qu’elles n’étaient pas censées le faire, parce qu’elles n’avaient pas encore atteint le groupe d’âge indiqué.

En Inde, beaucoup de jeunes ont été vaccinés avant les personnes âgées. La situation peut donc varier d’un endroit à l’autre. Mais dans de nombreux états, heureusement, les efforts de vaccination se sont concentrés sur les personnes âgées, ainsi que sur les personnes qui s’en occupent.

Jekielek : Vous avez dit quelque chose tout à l’heure sur lequel j’aimerais revenir ici. J’ai tiré quelque chose d’un de vos écrits. Voici ce que vous avez écrit : « En fin de compte, les confinements ont protégé les jeunes professionnels à faible risque travaillant à domicile, les journalistes, les avocats, les scientifiques et les banquiers – sur le dos des enfants, de la classe ouvrière et des pauvres.

Aux États-Unis, les lockdowns constituent la plus grande attaque contre les travailleurs depuis la ségrégation et la guerre du Vietnam. À l’exception de la guerre, il y a peu d’actions gouvernementales au cours de ma vie qui ont imposé plus de souffrance et d’injustice à une si grande échelle. »

Dr. Kulldorff : C’est très triste et tragique. Il y a une bonne dose d’hypocrisie dans ce qui a circulé. Par exemple, il y a eu un tweet il y a environ un an rédigé par un collègue universitaire qui disait : « Eh bien, voici une chose que tout le monde peut faire. Quand vous prenez un Uber, baissez votre vitre. » Eh bien, tout le monde ne peut pas prendre un Uber. Les chauffeurs de taxi sont parmi les plus exposés au virus en termes de professions.

Nous avons donc ici une personne, un scientifique de la santé publique très favorable au confinement, qui voulait encore avoir la commodité de prendre un Uber sans se rendre compte qu’elle est privilégiée. Alors que la personne qui conduit cet Uber, elle, n’a pas le choix. Elle doit nourrir sa famille. Les scientifiques avaient le privilège de prendre un Uber ou un taxi, alors que les enfants n’était dans le même temps pas autorisés à aller à l’école.

Il y a donc une déconnexion parmi ceux qui, dirais-je, sont une minorité de scientifiques qui étaient en faveur ou plaidaient pour le confinement, une déconnexion en raison de la possibilité que leur offre leur mode de vie de travailler confortablement à la maison. J’ai moi-même pu travailler très confortablement à la maison, et la plupart des généralistes aussi.

Autre exemple : le New York Times a publié un article sur ce que vous pouviez faire pour vous adapter au confinement. Comme par exemple commander votre nourriture en ligne. C’était une recommandation à la classe « Zoom » qui a cette possibilité. Ce n’était pas une recommandation pour les personnes qui livrent la nourriture, ou pour les personnes qui la préparent dans les cuisines ou les restaurants.

Il y a donc eu une déconnexion énorme entre les scientifiques, les journalistes et les politiciens d’un côté, et la majorité de la population qui a vécu une réalité très différente où elle a par exemple perdu son emploi. Les petites entreprises ont fait faillite, alors que les grandes entreprises ont prospéré. Tout cela a été motivé par la peur. Je ne sais pas quel est le raisonnement derrière tout cela, mais c’est la peur qui l’a motivé.

Quand j’avais une vingtaine d’années, je travaillais pour une organisation de défense des droits de l’homme au Guatemala, et la façon dont la dictature militaire gardait le contrôle de la population était précisément la peur. Ils s’assuraient que non seulement les leaders de l’opposition soient visés, mais aussi les gens ordinaires. Il y avait donc une peur au sein de toute la population.

Il y a également eu cette crainte permanente à propos du Covid. Par exemple, les personnes âgées devraient naturellement être très prudentes et prendre des précautions parce qu’elles sont à haut risque. Mais beaucoup de jeunes ont eu peur de ce virus, même s’il présente beaucoup moins de risques pour eux que beaucoup d’autres choses qu’ils font dans la vie quotidienne. Conduire une voiture comporte un risque, etc.

C’est donc une époque très étrange dans laquelle nous sommes entrés. C’est étrange d’un point de vue personnel, mais c’est aussi étrange en tant que père ou avec ses voisins. C’est également très étrange en tant que scientifique face à cette situation très illogique, où les principes de base de la santé publique sont jetés par la fenêtre, tandis que la classe ouvrière est jetée sous le bus.

L’un des principes qui serait incontestablement utile serait de prendre en compte tous les membres de la société. La santé publique doit s’occuper de tout le monde, pas seulement d’un petit groupe de personnes.

Jekielek : Sur ce thème, une autre chose que vous avez dite plus tôt, qu’il n’est pas éthique d’encourager ou de forcer les jeunes à se faire vacciner, alors qu’il y a des personnes plus âgées dans le monde qui n’y ont pas accès. Ces vaccins pourraient être mieux utilisés pour les personnes qui ont besoin d’une protection ciblée. Dites-m’en plus à ce sujet.

Dr. Kulldorff : Oui, c’est un problème. C’est contraire à l’éthique. Donc maintenant, nous donnons le vaccin à des personnes aux États-Unis ou en Europe occidentale qui ont déjà eu le Covid et qui sont donc déjà immunisées. Elles n’ont pas vraiment besoin du vaccin. Nous le donnons à des étudiants qui ont été forcés de le prendre pour suivre des cours à l’université, même si leur risque lié au Covid est très, très faible.

En même temps, il y a beaucoup de personnes âgées, de pauvres en Inde, en Afrique, au Brésil et en Amérique du Sud qui n’ont pas accès au vaccin et qui en meurent.

Ainsi, si nous avons réussi à déployer le vaccin en donnant la priorité aux personnes âgées aux États-Unis et dans la plupart des pays d’Europe, nous n’avons pas réussi à assurer une protection ciblée à l’échelle mondiale.

Je ne comprends pas comment une université peut exiger et demander à un jeune étudiant – qui a souvent même eu le Covid et qui a une immunité naturelle – de se faire vacciner. Même s’ils n’ont pas eu le Covid, ils courent un risque très faible, mais ils sont donc obligés de se faire vacciner s’ils veulent aller à l’université, alors qu’il y a des personnes plus âgées dans le monde qui n’ont pas encore eu la chance de se faire vacciner.

Ce n’est pas scientifique, car cela revient à nier l’existence d’une immunité naturelle due à la maladie du Covid. Et c’est contraire à l’éthique, car cela entraîne plus de décès dans d’autres pays. Je pense donc que les universités devraient toutes changer leur politique et ne plus imposer de vaccins, si elles veulent être à la hauteur du siècle des Lumières, si nous croyons réellement à la science, y compris à l’immunité naturelle, et si nous voulons nous comporter de manière éthique. Il est très surprenant que les universités imposent de telles exigences.

Jekielek : On peut supposer que, comme ces vaccins ont été efficaces pour protéger les anciens, ils offrent une sorte d’opportunité pour la géo-politique vaccinale. Cette notion est généralement décrite dans un sens plus péjoratif, par exemple en termes de ce que fait la Chine. Mais dans ce cas, j’imagine que les populations des pays qui en ont besoin verraient cela d’un très bon œil.

Dr. Kulldorff : Oui, et ce serait la bonne chose à faire.

Jekielek : Nous avons reçu toutes ces informations contradictoires en provenance des autorités de santé publique. Et dans certains cas, les directives ne semblaient pas avoir grand-chose à voir avec la santé publique. Il y a une méfiance que j’ai entendue partout, le sentiment général qu’on ne peut avoir confiance en ces agences qui sont en charge de ces questions, de l’OMS, jusqu’au terrain. Vous dites que la confiance est essentielle. Alors que se passe-t-il maintenant ?

Dr. Kulldorff : Il n’est pas surprenant que la confiance envers les agences et les responsables de la santé publique ait chuté à cause de ces messages contradictoires, et aussi à cause de questions comme le fait de ne pas prendre en compte l’immunité naturelle résultant d’avoir eu la maladie du Covid et de continuer à forcer les gens à se faire vacciner.

Il est donc très compréhensible que la confiance soit tombée. Tant au sein de la communauté scientifique que de la communauté de la santé publique, nous avons beaucoup de travail à faire pour regagner cette confiance. Cela va prendre beaucoup de temps, mais il est important de le faire et d’essayer de regagner cette confiance.

La seule façon d’y parvenir est, premièrement, d’être très honnête et direct avec les gens, deuxièmement, de faire confiance à la population et, troisièmement, d’écouter réellement la population et de ne pas simplement élaborer une politique de santé publique basée sur la classe « Zoom », c’est-à-dire les scientifiques, les journalistes et leurs voisins.

Il faut vraiment écouter tout le monde dans la société et en particulier les travailleurs les moins fortunés, ainsi que bien sûr les enfants et les personnes âgées. C’est un troisième échec au cours de cette pandémie. Les responsables de la santé publique ont tendance à écarter les gens lorsqu’ils ont des préoccupations. Par exemple, en ne les écoutant pas lorsqu’il s’agit de vaccins. Les vaccins sont l’une des plus grandes inventions de l’humanité car ils ont sauvé d’innombrables vies.

Mais quand les gens s’inquiètent pour leur sécurité, c’est grave. J’en suis évidemment très triste, car une grande partie de mon travail scientifique consiste à étudier la sécurité des vaccins, mais j’ai dû prendre les inquiétudes des gens au sérieux, puis être honnête à ce sujet. En tant que scientifiques de la santé publique, nous aurons donc beaucoup de travail à faire pendant de nombreuses années pour regagner cette confiance, car cette perte de confiance est très compréhensible.

Jekielek : Dr. Martin Kulldorff, c’est un plaisir de vous recevoir.

Dr. Kulldorff : Ce fut un plaisir de vous parler. Merci beaucoup.