Amèle Debey poursuit sur son Impertinent média le vaillant travail journalistique de fond qu’elle produit depuis une année et demie, d’une manière faisant -évidemment- contraste avec la médiocrité de celui de la presse mainstream.
Dans les colonnes de la Tribune de Genève, son rédacteur en chef ironisait il y a quelques jours sur les critiques de la dérive en cours en titrant son édito : « Genève, la dictature la plus gentille du monde »… Avant de basher les opposants en dénonçant (sic) « l’indécence d’une comparaison entre la Suisse et les vrais régimes oppresseurs« .
Ce qui semble caractéristique de la pseudo-élite médiatico-politique. Dès lors qu’elle est arrosée de généreuses subventions, la presse peine à voir que la société est actuellement sous un véritable bombardement qui détruit de manière irrémédiable une partie de son tissu économique et pousse des catégories entières de la population au désespoir et à la ruine.
Cette minimisation de la part de ceux qui ont le ventre plein (comme les responsables des hôpitaux, les fonctionnaires et les rédacteurs en chef) est en elle-même assez indécente – pour reprendre le moralisme du rédacteur.
Elle fait aussi écran en confondant deux réalités : bien sûr que nos pays ne sont pas encore (formellement du moins) des dictatures. Même si on peut nourrir un légitime souci à ce sujet : dès lors que deux des trois pouvoirs s’effacent et que les contre-pouvoirs se font inconditionnellement complices du premier -contre rémunération, rappelons-le- nous ne sommes déjà plus vraiment en démocratie !
Si donc il serait effectivement excessif à ce stade d’affirmer que nous sommes en dictature, le fait est que la politique « sanitaire » (qui ne l’est en réalité guère) a dérivé vers des formes d’autoritarisme abusif. Et qu’à défaut donc de dictature, nous sommes clairement engagés dans une dérive totalitaire. Dont témoignent si besoin était la désinformation systématique de la part des autorités et des médias, la censure et la répression de tout débat, qui en sont des signes probants.
Comme il importe d’être précis et de bien penser ces redoutables questions, je suis ravi qu’Amèle Debey vienne de publier un entretien avec celle qui est probablement la meilleure connaisseuse en la matière dans le monde francophone. Psychologue clinicienne, docteure en psychopathologie, Ariane Bilheran est une penseuse qui combine l’excellence du savoir théorique à une très solide expérience de terrain qui l’a vue, par exemple, intervenir régulièrement comme experte auprès de tribunaux dans des cas de harcèlement et d’abus, dans les domaines privé, professionnel ou institutionnel.
Alors que le rédacteur en chef de la TG parle sans réflexion sérieuse ni expertise, Ariane Bilheran porte pour sa part un éclairage magistral et sans concession sur la réalité de la dérive dans laquelle nous sommes embarqués -et à laquelle participe activement la presse qui la nie.
Le propos n’est ni réjouissant ni optimiste. Il peut même fiche le bourdon. Ma foi, le Blues est une grande énergie, caractéristique de l’effondrement de notre modernité comme des générations de bluesmen nous l’ont appris…
Et la lucidité -fut-elle douloureuse-, cette « blessure la plus proche du soleil » selon le poète René Char, un incontournable pour quiconque (individu ou collectivité) veut échapper au destin tout tracé qui l’attend.
Je re-publie ici le début de cet entretien, avec un renvoi sur le site de L’Impertinent pour découvrir la suite, avec mes chaleureux remerciements à Mme Debey pour son autorisation.
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«Le sanitaire est un prétexte à une gouvernance totalitaire»
Ariane Bilheran est normalienne, psychologue clinicienne, docteure en psychopathologie et auteure de plus de vingt-cinq ouvrages. Ses domaines d’expertise sont le harcèlement, la paranoïa, les déviances du pouvoir et la reprise de son pouvoir personnel. Depuis le début de la crise Covid, elle fait partie de ceux qui ont tôt fait de déceler les incohérences et les abus des politiques mises en place. Depuis la Colombie, où elle réside, cette observatrice du psychisme humain a accepté de nous livrer son regard sur la situation actuelle.
Amèle Debey, pour L’Impertinent: En tant que docteure en psychopathologie, qu’est-ce qui vous frappe le plus dans la situation que nous vivons depuis 18 mois?
Ariane Bilheran: La violence des décideurs sur les populations, le harcèlement exercé sur les populations, à tous les niveaux. Idéologie, manipulation de masse, violence économique, violence sur les corps, censure, atteintes à la liberté d’expression.
Un de vos domaines d’expertise est les déviances du pouvoir. Ce qui se passe en ce moment à de quoi nourrir votre réflexion?
Oui. Dès avril 2020, j’ai écrit un article appelé Totalitarisme sanitaire: «c’est pour ton bien»… Le mal radical. C’était encore un gros mot, on n’avait pas le droit d’en parler. Mais depuis, cela a fait son chemin. Après, j’ai éprouvé le besoin d’écrire un autre article en août que j’ai appelé Le moment paranoïaque, où j’ai trouvé l’expression de «déferlement totalitaire» qui, depuis, a bien circulé. Et puis, en décembre, je me suis exprimée sur Radio Canada à propos du totalitarisme actuel dont on voit la manifestation.
Grâce à mon expertise, j’en ai repéré les symptômes très tôt: dans le caractère idéologique, c’est-à-dire le fait de présenter comme une vérité une fiction mensongère tout en demandant l’adhésion de la population à cette fiction. Le passage à l’acte: les obligations de confinement, la suppression des droits les plus élémentaires; les paradoxes permanents.
«La souffrance engendrée sur les populations m’a frappée très tôt»
En Amérique du Sud par exemple, empêcher les gens d’aller travailler ne peut pas être dans l’intérêt de leur santé, parce que lorsqu’on n’a pas de source de revenus fruits de notre travail pendant plusieurs mois, et qu’on n’a pas d’aide, ce n’est à priori pas ce qui va nous mettre en bonne santé!
La souffrance engendrée sur les populations m’a frappée très tôt. De la même façon, il y a une notion qu’on appelle le clivage, en psychologie, qui consiste à diviser un collectif en deux populations irréductibles qui ne peuvent plus s’entendre entre elles. Car l’une étant sous perfusion idéologique. Elles ne peuvent plus communiquer.
J’ai travaillé pendant longtemps dans des organisations du travail. Quand elles devenaient pathogènes, créatrices de troubles psychosociaux au travail, j’en repérerais les mécanismes à différentes échelles. Que ce soient les manipulations émotionnelles, les contradictions, les mensonges, les paradoxes sur les discours, le fait de réduire la complexité du réel à un seul paradigme, à un seul paramètre, tout cela m’a paru quand même assez fou.
On voit que ce sont les pays les plus riches qui ont réagi de la façon la plus disproportionnée. N’étions-nous pas installés dans une sorte de confort?
Je ne sais pas si la première phrase est juste. Parce que la Colombie n’est pas un pays riche et nous avons eu six mois de confinement extrêmement sévère. Il y a eu beaucoup de pays pauvres où cela s’est également joué comme ça.
Par contre, dans les pays occidentaux, il y a eu beaucoup d’aides distribuées aux gens. Ils ont donc davantage eu l’impression que c’était pour leur bien cette affaire, puisqu’on les prenait en charge. Il y a donc eu moins de dissonances au départ sur ce point. La différence est sans doute là.
Certains pensent tout de même que ces mesures étaient tout à fait justifiées.
J’ai une seule question pour eux: on sait qu’en 2020, ne serait-ce que pour l’Amérique du Sud, les décisions politiques ont plongé dans la misère plus de 20 millions de gens. Près de 30 millions en 2021. Est-ce qu’on peut prendre soin de sa santé lorsqu’on est dans la pauvreté extrême? Est-ce vraiment justifié? Est-ce vraiment une politique tout à fait mesurée, équilibrée, qui prend en compte différents paramètres?
Est-ce que la docilité des gens vous a surprise?
Oui et non. D’abord, je pense que tous les peuples ne réagissent pas de la même façon par rapport à leur passif. Au niveau européen, il y a souvent une croyance naïve que les gouvernants sont là pour notre bien. Ce qui fait qu’il est très compliqué de remettre en question deux choses: les gouvernements ne nous veulent pas du bien, mais en plus ils nous veulent sciemment du mal.
Vous pensez vraiment que les gouvernements nous veulent sciemment du mal?
Peut-être pas tous. Mais je pense en effet que les décideurs à haut niveau et en particulier les soi-disant philanthropes qui, avec leurs milliards, auraient de quoi faire de la planète un paradis, nous veulent sciemment du mal.
Dans quel but?
A partir du moment où vous avez confisqué la majorité des richesses au détriment d’une plus grande population, cette population représente une menace pour vous.
C’est pourtant celle qui fait fonctionner le système, non? Ils ont forcément besoin de nous.
Dans quelle mesure ont-ils besoin de nous, je n’en sais rien. Ça ne me paraît pas évident. Nous sommes vus comme des pollueurs, des parasites. Je crois qu’à un moment donné, la question d’accumulation de richesses à un stade qu’on ne peut pas se représenter, ni vous, ni moi, fait tourner la tête si elle n’était déjà pas solide avant. Ça crée un gouffre incommensurable entre les pauvres et une toute petite minorité d’une classe extrêmement riche qui prétend dicter à la planète toutes sortes de choses. Et qui fait des gouvernants de simples exécutants.
On voit bien que si les gouvernements étaient autonomes, ce ne se serait pas passé comme ça. Or, la marche de manœuvre pendant la crise était assez réduite, puisque tout le monde a appliqué à peu près la même politique. Et pas dans l’intérêt des peuples.
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