Nous poursuivons notre exploration des réalités et mécanismes de la corruption en abordant ce sujet de première importance avec un guide de choix : Slobodan Despot, écrivain (romancier et essayiste), journaliste, éditeur, rédacteur en chef de la lettre-magazine L’Antipresse.
J’ai souvent exprimé et suis intimement convaincu que si les médias avaient joué leur rôle honnêtement, rien de ce qui nous est arrivé de si fâcheux au cours des trois années écoulées n’aurait pu se produire.
Dans leur position noble et essentielle de contre-pouvoir, les journalistes avaient à jouer le rôle de garde-fous et de protecteurs de notre ordre social ainsi que de nos droits et libertés. L’effondrement auquel nous avons assisté, qui s’est substitué à cette mission fondamentale, restera comme un tache indélébile sur une profession désormais frappée d’indignité et ayant massivement perdu la confiance de la population.
Certes, il convient de distinguer entre les fieffés manipulateurs qui ont été promus à la direction des différents titres de presse de la masse des petites ou moyennes mains d’une profession à vrai dire rudement ubérisée. Il n’en reste pas moins : l’inintérêt à se poser les bonnes questions, l’oreiller de paresse consistant à rester grégairement agglutiné à une doxa fallacieuse aussi bien que les attaques stupides et systématiques contre les voix dissidents auront été rien moins que honteuses.
Lors d’un récent passage chez Pascal Praud, le grand sociologue Michel Maffesoli, relevant le « psittacisme » de la profession, citait cet aphorisme de Nietzsche : « Encore une siècle de journalisme et les mots pueront ! »
- Pour voir « Michel Maffesoli : les journalistes sont des perroquets » : cliquer ici.
C’est dire si l’éclairage de Slobodan Despot est précieux. Avec son regard qui cherche toujours à s’élever pour embrasser l’horizon, avec son expérience du fait totalitaire (il est né dans l’ex-Yougoslavie avant de devenir le traducteur vers le français et l’homme de confiance du dissident soviétique Alexandre Zinoviev), avec sa culture encyclopédique à cheval sur le monde slave et l’Occident, avec sa maîtrise du verbe factuel aussi bien que du verbe artistique, Slobodan nous invite dans une mise à plat lucide, posée et profondément pertinente de la nature du mal qui afflige le monde médiatique.
A l’heure où le travail hideux des officines de propagande à la solde des pouvoirs en place est révélé, où ces derniers, à travers tout l’Occident, désignent la liberté d’expression comme l’ennemi à combattre et où l’on met en lumière des collusions choquantes (entre gouvernements, presse subventionnée et réseaux sociaux) pour priver la population d’informations susceptibles d’influencer ses choix électoraux (!), la hauteur de vue et la vastitude du tour d’horion auxquelles nous invitent le journaliste-écrivain sont un véritable antidote à l’ignorance et à la bêtise, valeurs-phares hélas de la fabrication du consensus…
La corruption médiatique
par Slobodan Despot, éditeur, traducteur, romancier, directeur de la lettre magazine L’Antipresse, journaliste, écrivain.
Résumé de l’intervention par Mme Tatiana Tislenkoff.
- Pour voir la vidéo sur YouTube : cliquer ici.
Si nous définissons les médias comme des intermédiaires entre le réel et la connaissance que nous en avons, il est légitime de dire que la corruption est inhérente au processus d’information et qu’il n’y a pas d’information médiatique qui ne soit corrompue. De même qu’aucun mode de reproduction n’est en mesure de transmettre un signal sonore sans distorsions.
L’exposé suivant s’appuie sur une observation continue de l’information médiatique depuis le début de la crise du Covid – et même avant. Crise que nous avons chroniquée de semaine en semaine dans notre magasine L’Antipresse à l’intérieur duquel toutes les sources mentionnées ici sont consignées (ainsi que dans les Actes du colloque, à paraître).
Première évidence : le travail des organes d’information appelés médias consiste à produire des récits. Quelqu’un a vu ou compris quelque chose et l’a transmis dans les limites de ses capacités (intelligence, savoir, culture, maîtrise de l’expression) et sous le contrôle de ses vertus (probité, impartialité, sang-froid, honnêteté intellectuelle.)
Tant que ce cadre existe, nous pouvons parler des distorsions naturelles de la réalité au fil de la transmission. Mais quand ces distorsions deviennent délibérées, il est possible de parler de corruption.
Exemple : lorsque les médias s’efforcent de faire passer leur récit humain pour un reflet objectif de la réalité dont tout le parti-pris humain est occulté.
Ceci n’est qu’un cadre théorique pour notre réflexion. Le sujet de cet exposé est la corruption médiatique en particulier lors de la dérive totalitaire du Covid depuis mars 2020.
Ce concept de corruption médiatique est ambigu et son intérêt réside justement dans son ambigüité.
Tout d’abord cette épithète médiatique peut être comprise de deux manières :
- la corruption des médias
ou
- la corruption par les médias
Il s’agit de deux réalités différentes même si elles sont imbriquées.
Qu’est-ce que la corruption ?
Le dictionnaire classique de la langue française propose au moins 4 définitions :
-
- La rupture d’un ensemble, une altération en général.
- Une décomposition putride, organique.
- De la dépravation, dans le sens « corruption des mœurs ».
- Moyen qu’on emploie pour gagner quelqu’un et le déterminer à agir contre son devoir et contre la justice. Au sens passif et actif.
Cette dernière définition est celle qui vient le plus facilement à l’esprit sous la forme passive. Pour beaucoup de gens, la corruption médiatique veut dire que les médias sont corrompus.
Partons alors de cette acception.
Les alter médias, les médias dits de ré-information consacrent beaucoup d’efforts à démontrer que les médias sont déterminés à agir contre leur devoir et la justice par des séductions ou des chantages de nature matérielle. Ce peut être du soudoiement ouvert et direct comme, dans le cas qui nous occupe, le subventionnement massif de médias grands et petits par la Fondation Bill & Melinda Gates.
En novembre 2021, l’examen du seul mécénat médiatique de cette fondation aboutissait à une somme de 319 millions de dollars, répartie en 39 donations individuelles à travers le monde.
C’est sans aucun doute une des raisons pour lesquelles le milliardaire de Microsoft, par ailleurs hygiéniste obsédé et dénataliste maniaque, bénéficiait d’une sorte de blanc-seing dans les médias de masse comme l’écrivaient les auteurs de cette étude.
Certains médias de nos pays n’existeraient plus si les aides de Bill Gates, s’articulant parfois à celles coordonnées des États, n’étaient pas venus les sauver in extremis de la révolution d’internet et de la désaffection du public.
Cet aspect de la corruption médiatique est certes capital mais au fond assez banal. La corruption de la presse est un thème jubilatoire de la Comédie Humaine de Balzac[1].
Au début du XXème siècle, l’écrivain américain socialiste Upton Sinclair publiait sous le titre « The Brass Check » une étude féroce du journalisme américain apparaissant comme une prostituée entretenue par le grand capital. La solution qu’il propose est désarmante de candeur : destituer l’outil au travailleur, de la main et du cerveau – et curieusement on retrouve le même idéalisme dans l’alter-journalisme de nos jours.
Dépendance(s)
Une forme de corruption plus indirecte tient dans la dépendance publicitaire. Quiconque a travaillé dans la presse sait que les grands annonceurs ont leur mot à dire dans les penchants des rédactions. Sans devoir le formuler, les rédacteurs, par un entrainement de longue date à l’obséquiosité et à l’auto-censure l’ont spontanément intégré dans leur manière de penser. Une rédaction n’est pas une caserne. Aucun ordre n’y est crié et pourtant, comme par enchantement, tout le monde regarde dans la même direction, au même moment et pousse le même cri d’enthousiasme ou d’horreur.
Une des raisons majeures de la déchéance de la presse écrite, en particulier au cours de ces 20 dernières années tient dans son accoutumance massive à la manne publicitaire, au détriment d’un financement plus souverain au travers des lecteurs et des abonnés.
Lorsque les groupes de presse eux-mêmes ont dévié le flux publicitaire vers les nouvelles plateformes en ligne, créant une concurrence mortifère à l’intérieur même de leur empire médiatique, ils sont devenus en quelque sorte des morts-vivants.
Corruption active
Que les médias soient corrompus est donc un lieu commun.
Dans le cadre de la dérive totalitaire c’est le fonctionnement de l’autre corruption médiatique qui nous intéresse, non plus la corruption passive (les médias sont corrompus par quelqu’un) mais la corruption active (les médias corrupteurs).
Ici les trois autres acceptions du terme de corruption éclairent le phénomène d’une lumière nouvelle et complémentaire.
J’en propose un exemple concret avec le cas de la Suisse, qui est pour moi un cadre familier car je connais le personnel et les gens qui ont exercé cette corruption ou qui en ont été les victimes. Il est plus révélateur, à mon avis, d’étudier la dérive d’un système dont vous connaissez les rouages intimement que celle d’un système dont vous n’avez qu’une connaissance médiatisée.
La relative clémence des mesures de confinement dont la Suisse a bénéficié par rapport à la démence de certains pays voisins, ne doit pas faire oublier que le narratif médiatico-sanitaire de la crise était tout aussi rigoureusement contrôlé et délirant que dans le monde industriel avancé.
La Suisse, dont il convient incidemment de rappeler qu’elle héberge les principales institutions internationales impliquées dans cette « pandémie », depuis le WEF (Forum économique mondial) de Davos jusqu’à la GAVI (Fondation pour la vaccination globale des époux Gates) jusqu’à l’Organisation Mondiale de la Santé.
Il n’est probablement pas anodin de relever que toutes ces institutions se trouvent à Genève, dans un rayon de 30 minutes à pied. Ces gens-là peuvent prendre un café tous les jours ensemble.
Le gouvernement suisse bénéficiait d’un plan pandémie qui avait été minutieusement mis à jour au cours du temps. Pourtant lors de la crise Covid, il n’en a pas tenu compte de son propre plan pandémie.
Le ministre de la Santé, Alain Berset, s’est entouré d’une « Task force scientifique » ou para-scientifique cooptée, dont les conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique ou des fondations comme celles de Gates n’ont pas fait l’objet d’un débat public et dont le fonctionnement en soi était opaque.
Ladite Task force, en effet, produisait ses avis, qui avaient valeur d’oukase sur la base de réunions sans procès-verbal.
Je relève ici quatre situations médiatiquement intéressantes :
1. La fermeture des écoles comme mesure pédagogique – ce qui est un paradoxe en soi- le 15 mars 2020.
Le Conseil Fédéral (gouvernement de la Confédération helvétique) a prononcé un confinement sévère sur plus de deux mois. Cette mesure a pratiquement paralysé la vie du pays. Tout était fermé à l’exception des pharmacies et des commerces de première nécessité.
La fermeture des écoles, en particulier, a constitué une mesure choquante et très lourde, en enfermant des enfants dans des logements parfois exigus avec leurs parents qui souvent devaient se débrouiller pour poursuivre dans ces conditions leur « télétravail ».
Inutile de dire que le semestre a été perdu pour cette génération d’écoliers sans même parler des différences induites par l’enseignement à distance. Nombre d’instituteurs ont déclaré que l’enseignement à distance n’était pas de l’enseignement.
Or voici qu’au sortir de ce confinement, Daniel Koch (le coordinateur de la réponse sanitaire à l’épidémie), qui avait été nommé par le gouvernement, a pris sa retraite. Au moment de quitter ses fonctions, il a été interviewé au Journal du soir de la Télévision suisse romande. Laissant comprendre qu’il avait eu quelques désaccords avec les autorités, il a émis cet avis stupéfiant au sujet de la fermeture des écoles :
« Sur le plan épidémiologique ce n’était pas une nécessité mais sur le plan de faire comprendre la situation c’est bien qu’on l’ait fait.»
Il en ressort donc qu’une décision grave du gouvernement suisse n’a pas été motivée par l’urgence sanitaire mais par un « projet pédagogique ». En clair, il s’agissait de faire peur à la population afin d’induire des modifications comportementales.
Cette méthode s’apparente à la 4ème définition de la corruption : moyen qu’on emploie pour gagner quelqu’un et le déterminer à agir contre son devoir et contre la justice.
Renvoyer les enfants à la maison sans nécessité est un procédé qui se loge dans la zone la plus coercitive des méthodes dites douces pour modifier le comportement de la population.
2. La comptabilité truquée des morts du Covid.
Ceci est un phénomène général que l’on a pu observer dans un grand nombre de pays. La tendance à gonfler statistiquement la létalité du Covid en lui attribuant tous les décès possibles.
En un mot, les personnes mortes avec le Covid avaient été considérées comme mortes du Covid. Cette aberration comptable était apparente dès les premiers jours de la pandémie dans la région de Bergame en Italie, d’où est parti le premier grand foyer en Europe.
Il suffisait, pour s’en rendre compte, de lire les chiffres de comorbidité dans les statistiques hebdomadaires du ministère de la santé italien, ce que les médias ne faisaient pas. En réalité, la comptabilité fourre-tout des décès était l’un des principaux moyens utilisés pour hisser la mortalité du Covid au-dessus de celle de la grippe saisonnière.
Le docteur John Lee, pathologiste et consultant de la santé britannique, avait dénoncé cet abus dès les premières semaines en Grande-Bretagne. Sa tribune, publiée dans un journal réputé n’a obtenu aucune révision des méthodes comptables.
Il n’en allait pas autrement en Suisse, à cette différence près qu’aucun média de grand public ne s’est interrogé sur cette pratique jusqu’à ce que les autorités elles-mêmes la confessent.
Le 7 janvier 2022, le président de la Confédération helvétique, M. Ignazio Cassis, par ailleurs médecin, a livré dans l’émission grand public Arena, une explication effarante :
Question du journaliste : « Les patients, dans les hôpitaux, même s’ils ont été admis pour autre chose, sont appelés patients Covid, parce qu’ils ont été testés positif. Vous n’avez pas vraiment de vue d’ensemble ? »
Réponse du président : « C’est normal, quelqu’un qui meurt dans un accident de voiture et qui est positif est compté comme un décès Covid. »
Il est ensuite précisé qu’en truquant ainsi les statistiques du Covid, les autorités suisses n’ont fait qu’appliquer une consigne de l’OMS. Cet aveu a été relevé par un média alternatif qui s’appelle Bon pour la tête et qui en a tiré une conclusion indignée.
Je cite :
« Si cette affirmation est vraie et que les statistiques hospitalières sont truquées, c’est non seulement un scandale monstrueux, mais cela donnera raison à toutes celles et ceux qui méprisent le monde médical. Car aucun médecin, scientifique, modélisateur, journaliste médical ne devrait approuver une telle façon de faire. La confiance dans les autorités sanitaires serait dès lors ébranlée. »
La confiance dans les autorités a été ébranlée en Suisse comme ailleurs pour des motifs plus dramatiques encore que de la tricherie comptable. Quant au scandale monstrueux en question, il a été étouffé dans l’œuf. L’administration politique et sanitaire a passé comme chat sur braise sur cette falsification et les médias l’ont couverte par le silence.
Comment contester une pratique locale, même absurde et trompeuse, si elle est imposée depuis tout en haut, depuis l’OMS ?!
3. Un Suisse parmi les faussaires de la revue The Lancet.
Les médias suisses se sont montrés tout aussi pudiques face au scandale de l’étude qui avait pour but de discréditer l’hydroxychloroquine. En réalité, la méthode employée pour compiler cette étude a surtout discrédité la revue médicale la plus prestigieuse au monde et les signataires de ce papier.
Or parmi les quatre co-auteurs figurait un professeur de cardiologie suisse, chef de service à l’hôpital universitaire de Zurich, le Pr Frank Ruschitzka. Alors qu’ils avaient sous la main un des responsables de cette fraude historique, les médias suisses ont ignoré cette affaire.
En juillet 2020, j’ai écrit une lettre à ce professeur avec une série de questions ayant trait à sa participation à cette fraude. Ni lui, ni son administration ne nous ont répondu. À notre connaissance aucun journaliste n’a entrepris une démarche semblable. Comme si la participation à une falsification scientifique, de portée mondiale n’entrainait ni responsabilité ni interrogation.
4. Une conjuration du silence
Catherine Riva et Serena Tinari (de Re-check.ch) sont deux journalistes professionnelles d’investigation, spécialisées dans les affaires de santé. Dès le début de la « crise pandémique », elles ont été frappées par l’absence d’esprit critique des médias vis-à-vis de la narration servie par les autorités politiques et les consultants. Je cite :
« Les autorités fédérales ne fournissent pas certains indicateurs qui permettraient d’analyser la situation et malheureusement, dans la grande majorité des cas, les médias ne les leur réclament pas. »
Elles se sont également intéressées aux méthodes de travail très particulières donc du haut conseil scientifique, la fameuse « Task force ». Elles ont relevé en premier lieu que les scénarii apocalyptiques se sont avérés faux, se fondant entre autres sur la modélisation totalement erronée de l’Imperial College de Londres : « Ces gens se sont lourdement trompés. »
Elles ont aussi cité une correspondance avec l’un des membres éminents de cette Task-force qui révèle une arrogance à peine croyable, mais également son refus (ou son incapacité) à motiver scientifiquement des décisions de la Task-force concernant la pertinence des tests PCR. Les experts du gouvernement suisse n’ont ainsi jamais pu motiver scientifiquement l’usage du test PCR, même lorsque cela leur a été spécifiquement demandé.
Tout au long de cette crise, et jusqu’à ce jour, les opacités des conflits d’intérêt des autorités sanitaires constituaient un matériau de premier ordre pour l’enquête, l’analyse et la dénonciation journalistique.
Médias complices
Dans les faits, seuls les alter-médias et les chercheurs indépendants ont fait ce travail (notamment Jean-Dominique Michel). La montée régulière de leur audience montre que ces sources comblaient une lacune béante des médias traditionnels. Ceux-ci ne sont sortis de leur arrogante unanimité qu’en de très rares occasions, comme cet aveu surprenant contenu dans ce tweet du 31 janvier 2022. Je cite :
« Il y a des moments où je comprends les critiques faites aux médias. Nous avons toujours relayé les scenarii les plus catastrophistes de la Task-force en occultant les autres parce qu’il nous fallait un titre qui fasse vendre, c’est triste. »
L’auteur de ce tweet, correspondant au Palais Fédéral du journal Le Temps est bien l’un des principaux responsables de cette occultation. Sa confession, probablement opportuniste, car elle précédait une votation sur le subventionnement des médias privés par le contribuable, n’a encore une fois, donné lieu à aucune révision de la couverture médiatique du Covid ou autre sujet.
Comment peut-on accepter une telle impassibilité, une telle montagne de mensonges et de falsifications ?
De fait, la contribution des médias au maintien d’un climat de peur, donc d’obéissance face à une épidémie dont la mortalité aurait pu être noyées dans les risques ordinaires de l’existence aura été d’une importance essentielle.
Le façonnement de l’opinion lors de cette plongée dans la dystopie ne se limitait pas à construire un narratif anxiogène dominant mais également et surtout à étouffer les interrogations susceptibles de le mettre en doute. À cet effet, on a généralisé le procédé de discrédit inauguré dans les médias américains après l’assassinat du président Kennedy, à savoir l’accusation de « complotiste ».
C’est ainsi qu’on a bloqué tous les médias d’envergure sur les questions essentielles suscitées par la pandémie, à savoir : l’origine du virus, la létalité de la maladie, l’inopportunité des mesures prises pour la combattre, la déshumanisation du système de santé, l’inefficacité voire la nocivité des vaccins, la corruption systémique du monde politico-médiatique par l’industrie pharmaceutique, la transformation économique et sociétale mise en œuvre à la faveur de la pandémie donc la stratégie du choc et le « Great Reset ».
Manipulations
Sur chacun de ces sept sujets, le temps et les recherches – voire les aveux volontaires ou involontaires des protagonistes eux-mêmes – ont fini par donner raison aux soi-disant complotistes. Plus exactement aux scientifiques et analystes de haut niveau dénoncés comme tel et noyés dans une cacophonie d’interprétations délirantes et de vraies théories du complot.
Au temps de la guerre civile en ex-Yougoslavie, le journaliste français, Jacques Merlino (alors directeur d’information à France 2) avait été frappé par l’ampleur de la distorsion médiatique du conflit. Il a mené sa propre enquête publiée sous le titre « Les vérités yougoslaves ne sont pas toutes bonnes à dire ». Il a mené sa propre enquête au moyen notamment d’une interview réalisée avec le directeur de la principale agence de relations publiques travaillant pour un des camps au conflit, le camp des musulmans bosniaques.
Merlino avait donc démontré à la fois l’importance du narratif dans la perception de la guerre et de ses responsabilités, et le peu d’importance que tenait, dans cette information, la réalité des faits.
L’opération consistait à inspirer une grille de lecture du conflit simplifiée à certains groupes influents, en l’espèce l’élite de la communauté juive d’Amérique, et à se tenir à ce récit quoi qu’il arrive. Pour retourner cette communauté en faveur d’un camp qui était jusqu’à lors perçu comme hostile (puisque c’était le camp des fondamentalistes musulmans) et faire passer pour des nazis les camarades de camp de concentration et d’infortune des survivants de l’holocauste (qui étaient les Serbes), il avait suffi d’un fax.
Aucun démenti venu du terrain ne parvenait à ébranler la narration bien ficelée.
Il ne reste pas moins, que pour être efficaces, ces narrations nécessitent un terrain favorable.
Un public pourvu de bon sens et de reflexe critique n’aurait tout simplement pas mordu à des appâts aussi grossiers.
Leur réussite auprès d’un public éduqué, comme auprès des masses, montre une déperdition à grande échelle de tout ce que, le grand philosophe Blaise Pascal rangeait sous la catégorie de l’esprit de finesse – par opposition à l’esprit de géométrie. Je veux parler du sens des proportions et de la vraisemblance.
Incluant l’aversion innée de l’être humain pour le simulacre, la juste évaluation des ordres de grandeur, la conscience du contexte humain et psychologique des théorèmes scientifiques. Bref, toutes ces vertus ineffables de l’esprit humain que l’intelligence dite artificielle n’est jamais parvenu à copier.
C’est cette évidence qui m’a poussé d’emblée à laisser le débat sanitaire et épidémiologiste aux spécialistes de la question et à m’intéresser au paysage mental qui rendait de telles dérives possibles. C’est pourquoi je me suis intéressé au rôle de la pensée technologique et de la corruption de l’intelligence humaine à l’ère de la robotisation.
La disponibilité d’information
La seconde moitié du XXème siècle a vu à la fois l’émergence de la cybernétique, science du contrôle et de la communication, et un perfectionnement des études en matière de psychologie des masses.
Une lecture des décisions en apparence des plus loufoques en matière de gestion Covid à la lumière de ces connaissances permet de contextualiser l’absurde. Comme l’avait illustré le grand sociologue américain Théodore Roszak dans son livre prémonitoire sur la secte informatique, l’éruption de la pensée binaire tend à réduire le comportement, humain à un ensemble de reflexes simplifiés et programmables.
Dans son essai sur « l’usage humain des êtres humains », Norbert Wimer, le père de la cybernétique, posait les bases de cette utopie scientiste et déjà trans-humaniste, je cite :
« Ne peut-on pas imaginer une machine pour collecter tel ou tel type d’information comme par exemple des informations sur la production et le marché, puis pour déterminer, en fonction de la psychologie des êtres humains et des quantités qu’il est possible de mesurer dans un cas déterminé, quelle serait l’évolution la plus probable de l’évolution ? Ne peut-on même pas concevoir un appareil d’État couvrant tous les systèmes de décisions politiques ? On peut rêver du temps où la machine à gouverner pourrait venir suppléer en bien ou en mal à l’insuffisance actuelle évidente du cerveau, lorsque celui-ci est concerné par la machinerie habituelle de la politique. »
En 1999, la Serbie a été bombardée par l’OTAN pendant 78 jours. En Occident, cette information a été filtrée. Cette guerre s’est terminée en juin 1999 et le 9 août 1999 tout le monde a vu une éclipse de soleil. Alors que dans toute l’Europe, tout le monde a pris cette éclipse comme d’habitude en allant l’observer, en Serbie, tout le monde était caché dans les caves des maisons car les médias du pays avaient fait circuler l’information que les radiations invisibles allaient brûler les yeux. Tout le monde y a cru.
Cette expérience m’a permis d’explorer les biais cognitifs et j’ai trouvé une définition de l’hallucination très covidienne dans un traité classique de psychologie des masses.
Dans « Les deux vitesses de la pensée », Daniel Kahneman décrit d’abord un réflexe de l’esprit humain qui constitue une porte d’entrée royale pour la propagande et pour l’endoctrinement : la disponibilité mentale mise en évidence par son collègue Paul Slovic. Lequel, avec son équipe, avait montré que notre acquisition de connaissance était bien plus influencée par la disponibilité d’information dans notre mémoire et notre conscience que par leur fiabilité ou leur véracité.
Plus cela tourne dans votre tête, plus c’est facile d’accès et plus vous y croirez, même si en fait vous n’y croyez pas.
Aisance d’accès et cascade de disposition
L’aisance d’accès des informations est donc l’élément clef de construction des certitudes ordinaires. On attribue, au docteur Goebbels, la traduction opérationnelle de ce principe dans la formule restée célèbre « un mensonge répété mille fois devient une vérité ». C’est un autre psychologue américain qui a intégré ce mécanisme heuristique dans les phénomènes d’hallucinations médiatiques collectives.
La cascade de disposition décrit ces emballements par lesquels des événements au départ anodins finissent par occuper tout l’horizon de la conscience collective.
Je cite le résumé qu’en donne Kahneman :
« Dans certains cas, la couverture médiatique d’un risque captive un segment du public qui devient alors agité et inquiet. Cette réaction émotionnelle devient ensuite un sujet en soi, qui sera à son tour abordé par les médias.
L’inquiétude ne fait que décupler et les esprits s’échauffent encore davantage. Parfois, le cercle vicieux est même délibérément créé par des agents de disponibilité. Ces agents ou ces personnes veillent à la diffusion ininterrompue de nouvelles inquiétantes. Le risque est de plus en plus exagéré, au fil et à mesure que les médias se disputent l’attention du public au moyen de titres accrocheurs. Couronnement de la manœuvre, l’inquiétude se mue en dogme et développe son idéologie propre. Il s’ensuit nécessairement la purge des hérétiques et l’entrée en transe idéologique. »
Ce qui est écrit sur cette notion de cascade de disponibilités n’est autre que la dérive totalitaire et cela nous rappelle que le totalitarisme n’est pas concevable sans l’appareil médiatique. Mais ce qui est plus intéressant encore est la personnalité de ce chercheur qui a mis en évidence cette cascade.
Il s’appelle Cass Sunstein. De manière significative, Kahneman mentionne dans son livre une divergence entre Sunstein et Slovic sur la capacité de jugement des masses et celle des experts dans la situation de danger.
Alors que Sunstein défend l’idée que les pulsions des masses doivent être encadrées par des experts, Paul Slovic, qui a une plus grande expérience du terrain, soutient que le public a une conception plus affinée du risque que les experts. Il conteste donc l’idée que les experts doivent diriger ou que leurs opinions doivent être acceptées sans conteste lorsqu’ils entrent en conflit avec les opinions et les souhaits des autres citoyens.
Cette polémique entre expertocrates et démocrates recouvrent en réalité la confrontation de deux visions de la société et de l’humain qui trouvera son expression la plus spectaculaire en 2016, dans la confrontation entre le populisme et la bobocratie woke du leader démocrate.
Il est utile de rappeler que les États démocrates bleus et les États républicains rouges aux USA ont eu deux manières radicalement opposées d’aborder la gestion du Covid.
Les États démocrates se distinguant par des mesures plus extrémistes, plus totalitaires.
Un art martial de la manipulation médiatique
Est-ce donc un hasard si le théoricien de la cascade de disponibilités est ce même homme qui s’est distingué par une imagination machiavélique dans la lutte contre la dissidence informationnelle à l’origine liée aux enquêtes sur les attentats du 11 septembre ? Loin de se limiter à un rôle d’observateur et d’analyste, le professeur de droit Sunstein a transformé ses connaissances scientifiques en un véritable art martial de la manipulation médiatique.
En 2008, ce conseiller influent du président Obama a proposé à son administration une stratégie d’infiltration cognitive, visant à discréditer les milieux dissidents en injectant dans leurs communications des messages extrémistes et mettant en évidence ces excès dans les médias.
C’est ainsi que la contestation des thèses officielles sur le 11 septembre, souvent rationnellement fondée, s’est trouvée débordée par des thèses loufoques et bizarres affirmant par exemple, qu’aucun avion n’avait touché les tours de Manhattan, et que le public avait été trompé par des hologrammes.
Tous les sceptiques du Covid qui ont pris part à des initiatives collectives ont vécu cette même expérience, de se trouver soudain submergés et compromis par des hypothèses et des explications à dormir debout.
C’est un fait totalement ignoré du grand public que l’infiltration cognitive de l’opposition intellectuelle ne résulte pas seulement d’un bouillonnement spontané de la dissidence, mais qu’elle procède d’un projet délibéré de brouillage et de pollution du débat qui a été élaboré sous le président Obama.
Procédés que les trolls des réseaux sociaux pousseront jusqu’à la saturation. Toute la polémique autour du rachat de Twitter par E. Musk, pour 43 milliards de dollars US tourne autour d’un seul fait. C’est le soupçon qu’une grande partie des comptes sur Twitter sont des comptes « non humains », programmés pour diffuser certaines informations. La plupart de ces trolls sont des agents d’infiltration cognitive[2].
Est-ce encore un hasard, si le même expert des guerres informationnelles, Sunstein, a été engagé par l’OMS en 2020, non pas pour limiter la corruption médiatique liée au Covid, mais au contraire pour la recadrer dans une bonne direction afin de sauver des vies en modifiant des comportements ?
Rupture et décomposition putride
Le théoricien de la cascade de disponibilité et sculpteur de l’irrationnel médiatisé est un éminent représentant de la supra-société américaine dans sa version mondialiste. Il est aussi, en passant, l’époux de Samantha Power, qui fut ambassadrice des USA aux Nations-Unies sous la seconde présidence Obama, et qui administre désormais l’Agence Américaine pour le Développement International.
Ce pouvoir s’appuie sur la maîtrise du pouvoir médiatique à usage intérieur comme dans l’ère globale. La corruption des médias adossée au pouvoir est une chose, mais la corruption du pouvoir adossée aux médias est une constellation d’une tout autre magnitude.
Peut-être serons-nous ébahis de découvrir un jour que l’humanisme grégaire des médias, la standardisation de leur parti-pris, le nivellement de leur langage et la disparition de leur distanciation culturelle et de leur esprit critique procédait d’une homogénéisation et d’une intégration consciente et systématique comme dans l’état orwellien de parti unique et de contrôle idéologique absolu.
Nous retombons ici sur les deux premières définitions de la corruption évoquées tout au début.
- Rupture d’un ensemble, altération en général.
Cela décrit l’altération, peut être irrémédiable, des médias par rapport à leur rôle premier ou plutôt à leur mission éthique que la société moderne a cru devoir leur assigner, aboutissant aujourd’hui, sous nos yeux à la deuxième acception du terme corruption – la plus organique.
- Décomposition putride
Il est difficile de décrire aujourd’hui une société plus sensible aux illusions narratives qu’elle a tissées, et à son propre sujet et au sujet de la réalité, qu’à la réalité elle-même.
Cette apogée dans l’ascension des médias annonce aussi leur chute. Les indices de confiance en baisse constante n’en sont pas le seul indicateur. L’information de masse n’est plus de l’information, mais une liturgie du néant dans laquelle la communion est impossible, à moins qu’on ait l’esprit complètement vide ou endormi.
Conclusion : les féodalités narratives
Or aujourd’hui, de plus en plus d’humains refusent d’entrer dans cette communion. La vérité, on le sait, est une, quand le mensonge a de multiples visages.
Une information fondée sur la quête de la vérité rassemble les gens, alors qu’une information fondée sur la quête de contrôle et d’influence divise.
Nous sommes déjà entrés dans un monde post-médiatique où une société jadis homogène a fait place à des féodalités narratives. Les unes majoritaires assises sur l’utilitarisme et le contrôle, et les autres, minoritaires fondées sur la quête du vrai.
Aujourd’hui déjà, les camps sont retranchés, les ponts sont levés et la communication entre ces mondes est pratiquement inexistante, mais cette opposition se traduira par une lutte à mort jusqu’à ce qu’un principe impérieux de réalité (ou de raison) s’impose par-delà les tranchées – par exemple l’effondrement économique.
[1] « Illusions perdues »
[2] Il existe un manuel de manipulation fait par les services spéciaux britanniques et américains qui expliquent l’utilisation de ces trolls.