Epidémiologie du Covid-19

Posted by

Sommes-nous en train de vivre la fameuse « deuxième vague » annoncée depuis des mois ?

Rien n’est moins sûr, mais cela demande évidemment quelques explications.

Pour la plupart des gens, la résurgence de l’épidémie en cette fin du mois d’octobre ressemble bien à une « deuxième vague » selon une logique assez simple : il y a eu une première vague en mars-avril, il y en a une deuxième maintenant.

Cette représentation est évidemment renforcée par les messages des autorités et des médias qui décrivent ainsi ce que nous vivons, avec force prophéties terrifiantes (« cette deuxième vague sera encore pire que la première ») s’appuyant sur des modélisations tout aussi hyperboliques que celles du printemps (les 400’000 morts possibles annoncés par le président Macron avant-hier contre 500’000 au printemps) !

Pourtant, une ensemble de compréhensions et d’indicateurs devraient nous rassurer.

Pour bien les appréhender, il importe d’avoir des repères solides en matière d’épidémiologie. Le terme « vague » est évidemment une métaphore, une épidémie n’est pas liquide. Et ce à quoi nous assistons actuellement présente des critères radicalement différents de ceux du printemps.

Nous y verrons plus clair d’ici quelques jours, aussi importe-t-il à ce stade de rester prudents. L’exponentialité de la recrudescence de l’épidémie qui nous est annoncée a toutes les probabilités de s’avérer erronée : il y a bien recrudescence de l’épidémie avec une croissance des hospitalisations mais peu des décès. Et avec une mortalité toujours alignée sur et même au-delà de l’espérance de vie :

En Suisse en semaine 43 (18 au 25 octobre) le nombre moyen de personnes hospitalisées n’a pas été publié mais 128 personnes se trouvaient en moyenne aux soins intensifs dont 75 sous assistance respiratoire. L’age médian des personnes hospitalisées et des décès augmentant respectivement à 71 ans et 86 ans.

La réalité, adéquatement énoncée par Eric Zemmour (si !) est que nous sommes actuellement en train de boucler des pays par engorgement de systèmes hospitaliers dont on a massivement réduit les moyens au cours des deux décennies écoulées.

Pire : en France, l’augmentation des lits de réanimation annoncée au mois d’août par le ministre de la santé, Olivier Véran n’a pas été organisée. Et tout comme au printemps, le réservoir de lits disponibles dans le secteur privé (115’000 lits dont 6’000 en réanimation) n’est absolument pas mobilisé.

Ceci alors que, rappelons-le, on ne meurt plus du Covid-19 aujourd’hui pour autant qu’on dispose de places en réanimation, sauf à souffrir d’une vulnérabilité rare ou à être déjà en toute fin de vie. L’intubation étant une procédure à laquelle on a beaucoup moins besoin d’avoir recours aujourd’hui, une oxygénation en structure stationnaire (ou même à domicile) suffit dans un grand nombre de cas.

Bref, nous paralysons nos sociétés et (en France) précipitons des millions de personnes vers la très grande pauvreté du fait d’une mauvaise gestion hospitalière.

En ce qui concerne l’épidémie elle-même, nous sommes face à quatre cas de figure possibles :

  1. Comme cela nous est annoncé en boucle, nous sommes repartis pour un épisode épidémique de gravité catastrophique.
  2. Nous sommes face à un variant (une mutation génétique) du Sars-CoV-2 faisant suite à un variant précédent beaucoup moins virulent (celui qui a circulé pendant l’été) -et donc affrontons en quelque sorte à une « nouvelle épidémie » qui aura sa propre courbe, pas forcément de la même gravité que celle du printemps.
  3. Nous sommes face à une saisonnalité, soit un retour en mode épidémique du coronavirus à la faveur de la baisse des températures, avec une virulence probable plus faible et une rassurante inflexion déjà observable de la courbe épidémique.
  4. Nous confondons peu ou prou la recrudescence saisonnière  des viroses respiratoires avec une reprise de la Covid-19 à la faveur de la confusion des tests PCR. La « disparition » des autres maladies de saison (comme la grippe ou le rhinovirus) étant difficilement explicable autrement.

Pour bien saisir ces perspectives, il est nécessaire de ne pas en rester à la pensée terriblement « binaire » (comme le Pr Raoult l’a fait remarquer à David Pujadas l’autre jour) du discours journalistique.

L’hystérisation du temps ne favorise évidemment pas la pensée complexe et précise. Les « rassuristes » dont je suis censé faire partie en l’illustre compagnie des Pr Perronne, Toussaint, Toubiana et autres nous trouvons exposés à un regain de lapidation médiatique. Même Bon pour la tête s’y est mis, comme quoi l’occasion fait décidément le larron.

Les méthodes lamentables de certains médias continuent de franchir de nouvelle limites. Libération, L’Express, France TV ont récemment attaqué avec l’agressivité et la partialité de (nouvelle) rigueur le Pr Laurent Toubiana, chercheur en épidémiologie à l’INSERM depuis près de 30 ans, qui a proposé au long des mois écoulés des analyses d’une grande rigueur.

Le sociologue Laurent Mucchielli vient de publier sur son blog de Mediapart un long entretien avec le Pr Toubiana, dont je reprends ici certains passages. J’en ai omis notamment la première partie, dans lesquels l’épidémiologiste présente ses états de service en réponse aux médias-voyous qui ont injustement mis en cause sa compétence et sa légitimité. Les lectrices et lecteurs intéressés pourront se référer à l’article original.

Les autres trouveront infra des éclairages précieux et précis sur la circulation passée et présente du Sars-CoV-2.