Qui tient nos gouvernements ? (ou le déclin du courage en Occident)

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J’ai eu la joie d’être invité par Ema Krusi à participer à un débat d’idées avec le Dr Edouard Broussalian et Slobodan Despot (écrivain et rédacteur de l’Antipresse), des invités que j’apprécie énormément pour leur courage, leur lucidité et la profondeur de leurs analyses.
Pour essayer de penser notre époque et cette crise insensée au-delà des simples slogans et étiquettes beuglés par les médias qui ont manifestement renoncé à faire œuvre d’intelligence… et leurs monomaniaques invités. Nous avons évoqué une kyrielle de sujets à partir de documents d’actualité sélectionnés par Ema Krusi.
Laquelle poursuit un travail remarquable de présentation de points de vue divergents ou simplement complémentaires à ce que nous inflige la doxa médiatique, dont l’incapacité à ouvrir un vrai débat démocratique et citoyen dépasse la simple médiocrité pour inclure d’évidence une intention délibérée. Parmi les points communs que nous nous sommes reconnus entre invités figure ainsi la conviction que nous nous trouvons embarqués dans un déferlement totalitaire déjà bien avancé.
La pensée totalitaire imposant une logique binaire d’exclusion, on voit bel et bien cet aplatissement au bulldozer de toute la pensée complexe et de toute nuance, avec la désignation à la vindicte populaire des « ennemis » dûment labellisés. Comme le relevait une observatrice sagace de cette triste réalité :
« Les régimes totalitaires comme le PC chinois, les nazis ou les islamistes utilisent toujours les pires travers humains pour amener la population à exercer la coercition à leur place : l’effet de meute (tous contre un), la dénonciation publique, le dénigrement, la culpabilisation, la moralisation, les sous-entendus insultants, etc…. Ces travers font partie de notre nature humaine, mais ils les encouragent car c’est encore plus efficace que de compter sur la  police qui ne peut jamais tout surveiller. »
Le bonheur de penser avec des personnalités comme le Dr Edouard Broussalian ou Slobodan Despot est qu’il s’agit d’esprits qui se sont abreuvés à de très nombreuses sources. Nous sommes ici à des années-lumières du réductionnisme ambiant, des discours absurdes de spécialistes hors-sol, de l’imbécilité tragique (rappelée par Michel Maffesoli) qui frappe nos pseudo-élites en perdition.
L’un et l’autre viennent de pays qui ont connu l’oppression, la dictature ou même le génocide. Autant dire que pour eux, ces réalités ne sont pas de simples mots ou des concepts abstraits rencontrés le ventre plein au détour d’un livre ou d’un documentaire historique. Mais d’un potentiel monstrueux de l’espèce que nos semblants de démocratie n’ont jamais jugulé que fugacement, dans de brèves périodes de répit faisant interstice entre deux flambées totalitaires.
Si je connais et apprécie beaucoup l’œuvre d’Alexandre Soljenitsyne, Slobodan Despot (à la suite de Guy Mettan) m’a invité à la découverte d’Alexandre Zinoviev, cet autre grand dissident russe, philosophe et logicien qui connut également l’exil et dont Slobodan fut le secrétaire particulier et l’éditeur. Dans son approche, donc, très « logique » du totalitarisme et de nos « démocraties », Zinoviev a semble-t-il identifié que nos pays cultivaient principalement leur  « vertu démocratique » comme une arme psychologique dans le cadre de la guerre froide, pour se donner un vernis de supériorité morale, sans qu’il sente nos populations acquises en profondeur à ces valeurs.
Tout comme Soljenitsyne, il se montrait peu convaincu de la vertu réelle de nos « démocraties ». Dans son fameux discours de Harvard sur le déclin du courage en Occident, le grand écrivain fit scandale : au lieu de louanger bruyamment le « monde libre » où il avait trouvé refuge, il releva au contraire tous les indices de décadence et de perdition qu’il voyait en ronger les fondements. Au premier rang desquels le rejet de toute verticalité de valeurs : si l’être humain refuse de se tenir à son rang d’humble créature inscrite sans l’avoir choisi dans une création, avec la responsabilité d’avoir à interagir de manière responsable avec les autres créatures (dans un monde dont font irréfragablement partie la finitude, la maladie et la mort…), alors il perd toute l’humilité de son humanité pour n’être plus qu’un égaré, en guerre avec sa condition et inapte à chercher un accord avec ce qui est plus grand que lui et le dépasse.
Car c’est un motif du temps, peut-être même le principal : l’effondrement de l’Occident est une faillite spirituelle avant tout. Quand des potentats aux moyens obscènes, et aux pratiques de corruption globalisée, se piquent d’atteindre l’immortalité, de réformer la nature et l’espèce humaine (par exemple en contrôlant la météo ou en clonant les être humains comme l’expérimente actuellement le Parti communiste chinois) ou encore de nous transformer en nous agrégeant à l’ « intelligence » (?) des machines, nous sommes bel et bien dans un fantasme intrinsèquement négateur de notre condition et de notre nature -et donc aussi, forcément, de notre dignité.
Nous sommes ainsi actuellement emportés dans une fuite en avant par des dirigeants (économiques et financiers, politiques et scientifiques) qui sont de dangereux malades, de la pire espèce : ceux qui sont parfaitement adaptés aux systèmes de pouvoir humains. Albert Jacquard -je l’ai souvent rappelé- nous en avait averti il y a plus de trente ans avec sa lucidité et sa sagesse : nous avons massivement sélectionné aux postes de pouvoir des profils sociopathes et misanthropes, inaptes à la tendresse et à la vulnérabilité, qui cherchent à se venger de leur misère intérieure en prenant le pouvoir sur les autres, avec le fantasme de se rendre maîtres du monde (comme dans n’importe quel mauvais film de série B) tout en violant la Nature et la Terre.
Les moyens technologiques rendent ce délire redoutable : le but visé est évidemment la surveillance absolue de tous les individus vivant à la surface de la terre. Et leur asservissement dans des modalités préfigurées par les tests de « crédit social » menés en Chine. Au service des futures élites immortelles !
C’est ce vers quoi nous nous dirigeons comme un train à vapeur dont les freins (les garde-fous éthiques, philosophiques, religieux et politiques) auraient tous lâché.
Avec Edouard Broussalian et Slobodan Despot, accueillis par la remarquable Ema Krusi et son compagnon Pascal Bouteillon, nous abordons en toute liberté (quel anachronisme !) des sujets que les propagandistes patentés qui sévissent dans les médias veillent à ne jamais laisser aborder dans leur entreprise de lavage de cerveau collectif.
Lancé à brûle-pourpoint par Ema Krusi au sujet de « la question qui me taraude le plus à ce stade », la réponse est venue en fait assez naturellement : qui tient nos gouvernements pour que ceux-ci se soient transformés comme ils l’ont fait depuis une année en pires ennemis de leurs propres peuples ? Ceci au mépris de toute science et de toute éthique, en saccageant au passage les droits humains et les principes démocratiques…
Si la question est simple, les réponses sont évidemment complexes : pas de cause unique ici. Mais des motifs passionnants… même si guère rassurants.
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