Mortalité du Covid : vulnérabilités et climat essentiels, confinement sans effet

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« Cinq chercheurs ont étudié les statistiques internationales de la mortalité liée au Covid. Des facteurs de vulnérabilité physiologique impactent surtout les pays occidentaux les plus développés et les plus vieillissants de l’hémisphère nord. Face à leur puissance, les actions des États, telles que le confinement général, ne montrent aucune association déterminante sur l’évolution de la mortalité. »

Je reproduis ici in extenso (étant donné l’urgence du débat) un article publié hier par Laurent Mucchielli, sociologue et directeur de recherches au CNRS, sur son excellent blog hébergé par Mediapart.

Il y présente les conclusions d’une étude en cours de parution ayant évalué l’impact de différents facteurs et paramètres sur la mortalité due ou liée au Covid.

Ce débat est essentiel à l’heure où on multiplie des mesures lourdes censées protéger la population alors qu’elles sont inefficaces, qu’elles génèrent des dommages terribles… et font diversion puisque pendant ce temps, on n’agit pas sur les véritables facteurs de risque et de protection.

Bonne lecture et aidez à faire connaître ces conclusions appuyées sur la meilleure science pour inverser la fuite en avant hallucinée et destructrice dans laquelle nos sociétés sont engagées !

Dans une étude qui vient d’être acceptée pour publication, cinq chercheurs français (Quentin De Larochelambert, Andy Marc, Juliana Antero, Eric Le Bourg et Jean-François Toussaint) ont étudié les statistiques de la mortalité liée au Covid à l’échelle internationale. Les résultats mettent en évidence les principaux facteurs de vulnérabilité physiologique qui impactent tout particulièrement les pays occidentaux les plus développés et les plus vieillissants de l’hémisphère nord. Ces sociétés comptent en effet une part plus importante de personnes très âgées au système immunitaire affaibli.

Leurs modes de vie favorisent la sédentarité, l’inactivité et l’obésité, augmentant ainsi les risques d’hypertension, de diabète et de maladies cardiovasculaires (co-morbidités les plus fréquemment associées aux formes sévères et à la mortalité du Covid-19). Face à la puissance de ces facteurs, les actions des États – telles que le confinement général de la population – ne montrent aucune association déterminante sur l’évolution de la mortalité. On lira ci-dessous les principales conclusions de cette étude, suivies d’un graphique montrant les résultats de l’analyse factorielle et de la bibliographie internationale mobilisée.

Principaux résultats

Les taux les plus élevés de mortalité dus à la Covid-19 se trouvent dans les pays dont l’espérance de vie est la plus élevée et, en particulier, ceux qui ont déjà connu de récents reculs de celle-ci. La plupart de ces sociétés développées, vieillissantes, sont situées autour du 45ème parallèle nord. Elles présentent des niveaux de PIB et de maladies chroniques plus élevés (maladies cardiovasculaires et cancer) associés à des facteurs de risque métaboliques majeurs (sédentarité, obésité, mode de vie inactif). À l’inverse, les plus faibles taux de mortalité sont retrouvés dans les pays jeunes et actifs aux températures élevées (pays tropicaux), de sorte que les pays occidentaux de l’hémisphère nord paient le plus lourd tribut.

L’analyse en composantes principales montre une forte corrélation entre les taux de mortalité et les pays à l’intérieur de la bande de latitude [25/65°], tandis que le troisième axe révèle deux relations : l’une avec la longitude, l’autre avec l’obésité. Cela indique que les États des deux Amériques, au mode de vie plus sédentaires, moins actifs, et avec des taux d’obésité plus élevés, ont connu un nombre de décès plus élevé.

Ces résultats correspondent à l’hypothèse d’un créneau optimal de développement, qui a cumulé les conditions sanitaires, démographiques, environnementales et économiques les plus favorables (Xu, et al. 2020). Cependant ces paramètres exposent désormais les populations à des vulnérabilités plus élevées tant vis-à-vis de nouvelles contraintes infectieuses (virales, bactériennes ou parasitaires) que physiques (vagues de chaleur). En ce qui concerne les mesures prises par les États, aucune association n’a été mise en évidence avec le degré de confinement. Ceci suggère que les autres facteurs sont plus importants que les politiques mises en œuvre pour combattre le virus.

Dans ce domaine, seul le soutien de l’économie montre une association avec la mortalité mais il est important d’appréhender cette relation dans son ordre chronologique. Il n’est bien entendu pas logique qu’un soutien économique important puisse induire une mortalité plus élevée. Mais, à l’inverse, le nombre de décès qui s’est élevé rapidement au début de la première phase a provoqué des réactions sociétales graduelles (fermetures des écoles puis des restaurants, puis des couvre-feu suivis de confinement) et économiques plus importantes (plan de soutien à l’économie, prêts garantis par l’état), y compris lorsque ces actions visaient à compenser les effets délétères du confinement.

Cette étude a permis de dresser une description globale de la mortalité due à la Covid-19 dont une hypothèse explicative peut être proposée : les pays affichant une plus grande vulnérabilité, en raison d’un équilibre plus incertain entre paramètres sanitaires, démographiques, environnementaux et économiques, présentent des marges d’adaptation plus étroites et deviennent plus vulnérables aux agressions de prédateurs primaires (virus, bactéries, parasites).

Les populations vulnérables se constituent en raison d’interactions complexes entre les risques ou expositions à la menace et le manque de défense ou de ressources pour y faire face. En situation de pandémie, le principal indicateur de fragilité sanitaire est la proportion de personnes âgées (elles restent la cible majeure du SARS-CoV-2) vue la diminution inéluctable des performances et de la résilience avec l’âge (Berthelot et al., 2019). En raison de processus biologiques et sociaux, le déclin des paramètres de santé ou de la force physique et les incapacités croissantes affectent de plus en plus de personnes âgées, les rapprochant des seuils de vulnérabilité. Des proportions très importantes de ces personnes sont observées dans les pays aux espérances de vie les plus élevées (Waite, 2004, Le Bourg 2019) qui souffrent d’une mortalité plus forte lorsque de nouveaux agresseurs surgissent.

Des études antérieures avaient illustré la relation entre fragilité et mortalité (Buchman et al., 2009). La canicule de 2003 a par exemple tué 30 à 50 000 personnes en Europe et 15 000 en France (Valleron et Boumendil, 2004; Trigo et al., 2005), dont 80% de personnes âgées, plus susceptibles aux infections (pneumonie) (Evans et al., 2014). La mortalité due à la Covid-19 est restée la plus élevée dans ces tranches d’âge (Baqui et al., 2020). Une espérance de vie plus élevée expose donc une plus grande proportion de personnes à de forts taux de mortalité, en particulier lorsque le contexte évolue défavorablement.

En parallèle d’une espérance de vie élevée, le développement économique, que traduit un PIB per capita plus élevé, favorise les modes de vie inactifs, les comportements sédentaires et l’obésité (Chaix et Chauvin, 2003; Olshansky et al., 2005), augmentant les risques d’hypertension, de diabète et de maladies cardiovasculaires – comorbidités les plus fréquemment associées aux formes sévères et à la mortalité Covid-19 (Richardson et al., 2020; Yang et al., 2020; Fakhry AbdelMassih et al., 2020). Avec une transition épidémiologique impliquant une fréquence plus élevée de maladies chroniques, les pays ayant une grande espérance de vie ont également augmenté les risques concomitants et limité leurs marges d’adaptation.

La Covid-19 a suscité un large éventail de réponses de la part des gouvernements du monde entier, mais les courbes de contagion et de mortalité restent très similaires entre les pays (Coronavirus Government Response Tracker, 2020). Cela est renforcé par nos constatations concernant l’absence de tout lien avec les mesures gouvernementales prises pendant la pandémie. En ce sens, les facteurs de démographie, de santé, de développement et d’environnement semblent beaucoup plus importants pour anticiper les conséquences meurtrières de la Covid-19 que les actions des Etats, surtout lorsqu’elles sont assujetties à des objectifs politiques et non sanitaires (ce résultat ne peut cependant exclure que d’autres types de mesures puissent réduire le nombre de décès).

Cette étude met aussi en évidence les grandes difficultés d’adaptation auxquelles la plupart des pays seront confrontés (Fauci et al., 2012; Toussaint et al., 2012). Le changement climatique perturbera notamment la niche optimale en déplaçant les températures idéales vers le nord. L’équilibre entre infections et résilience humaine pourrait en être profondément altéré. Comprendre où se trouvent les faiblesses de chaque nation est un point de départ important pour se préparer à de futures menaces. Dans le cas de la Covid-19, une stratégie souhaitable pourrait être d’augmenter l’immunité & la résilience des personnes (Campbell et al., 2018) et de prévenir les comportements sédentaires par une activité physique plus importante et une meilleure condition physique. De fait, les stratégies restreignant l’activité physique (avec la fermeture des installations sportives, pourtant sans effet sur la mortalité) empêchent malheureusement le renforcement de l’immunité populationnelle.

La première limite de cette étude est l’incertitude quant à la qualité des données nationales enregistrées pour les décès liés au Covid-19, compte tenu des diverses méthodes de comptage. Une autre est la fiabilité des données d’entrée, se référant à des collectes de données mondiales. Cependant, ce sont les sources les moins incertaines à disposition de la communauté scientifique. De plus, la grande taille de ces jeux de données compense leur variabilité interne.

Une autre limite vient du fait que la pandémie n’est pas terminée, les pays américains affichant une cinétique différente de celle des pays européens. Si un net pic de mortalité a été observé en Europe avec une baisse rapide ensuite, ce n’est pas le cas de plusieurs pays américains : le Mexique, le Pérou, le Brésil ont montré un plateau durable – qui indique la durée possible du rebond de l’épidémie cet hiver en Europe – et les USA ont connu un pic printanier dans les états de l’Est puis un pic estival dans les états du Sud.

Une forte dépendance aux paramètres saisonniers pourrait également modifier certaines conclusions en fin de pandémie (par exemple si la mortalité ne diminue pas pendant des mois). Mais cela ne changera pas les conclusions de la première phase abordée dans cette étude. En effet, les pays ayant le plus grand nombre de décès se trouvent encore dans les Amériques, le Mexique affiche l’un des taux d’obésité les plus élevés au monde avec les États-Unis qui ont déjà connu de premières régressions de leur espérance de vie, de même la Grande-Bretagne montre en cet automne l’un des taux de re-ascension les plus forts en Europe.

Finalement cette étude s’est concentrée sur la phase explosive de l’épidémie. Cependant, une période antérieure de propagation a commencé au moins depuis l’automne voire l’été 2019. Une telle phase de diffusion du SRAS-CoV-2 devrait être étudiée à travers les bases de données de l’Association du Transport Aérien International (IATA) ou par la modélisation du transport aérien (Colizza, 2007). La situation dans des îles comme Taiwan ou la Nouvelle-Zélande qui ont rapidement imposé des mesures restrictives sur le transport aérien, montre que le virus n’y est pas devenu endémique au cours de ces huit premiers mois. Après une phase de propagation rapide, seule la réimportation de sujets qui s’étaient contaminés hors de l’île a provoqué de nouveaux cas locaux.

Figure 1 : taux de mortalité et latitude. Lecture : Chaque point représente le taux de mortalité Covid-19 d’un pays ou d’un état, selon sa latitude. Des taux de mortalité plus élevés ont été principalement observés dans l’intervalle de latitude [25/65]

Figure 2 : résultats de l’analyse factorielle. Lecture : Plus une variable est éloignée du centre, plus elle est corrélée au premier (ou au deuxième) axe factoriel. Les paramètres étudiés regroupent les pays associés aux taux de mortalité les plus élevés de Covid-19 sur la droite de l’axe horizontal. Ce sont les pays à revenu élevé avec une grande espérance de vie (mais avec une faible progression de celle-ci dans les 10 dernières années), une forte sédentarité, une obésité, une position géographique à distance de l’équateur et une longitude négative (par rapport au méridien de Greenwich, les pays asiatiques ont une longitude positive élevée, alors qu’elle est négative dans les Amériques).

Les pays associés à de faibles taux de mortalité Covid ont un PIB faible, une espérance de vie basse mais une grande marge de progression pour celle-ci, une prévalence élevée de maladies infectieuses, un plus grand écart par rapport à la température optimale et à l’indice UV ; ils occupent la partie gauche de l’axe. Les indices de confinement (Stringency Index & Containment & Health Index), très proches du deuxième axe vertical, ne sont pas corrélés à la mortalité (Covid-19 Deaths per 100 000)

 

Lien vers l’article sur le blog de Laurent Mucchielli

Références :

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Berthelot, G., Bar-Hen, A., Marck, A., Foulonneau, V., Douady, S., Noirez, P., et al. (2019a). An integrative modeling approach to the age-performance relationship in mammals at the cellular scale. Sci. Rep. 9, 418. doi:10.1038/s41598-018-36707-3.
Buchman, A. S., Wilson, R. S., Bienias, J. L., and Bennett, D. A. (2009). Change in frailty and risk of death in older persons. Exp. Aging Res. 35, 61–82. doi:10.1080/03610730802545051.
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Chaix, B., and Chauvin, P. (2003). Tobacco and alcohol consumption, sedentary lifestyle and overweightness in france: a multilevel analysis of individual and area-level determinants. Eur. J. Epidemiol. 18, 531–538.
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