La Suède a-t-elle eu raison ?

Posted by

Il faudrait avoir la mémoire courte pour ne pas se souvenir des mises en garde sévères énoncées par tant d’ « experts » au sein de conseils scientifiques officiels contre l’idée d’adopter la même stratégie sanitaire qu’en Suède. « Catastrophe assurée », « éthiquement inacceptable », « surmortalité prévisible » étaient les arguments avancés de manière péremptoire par les uns et les autres, en Suisse comme en Belgique comme en France.

Alors donc que la Suède laissait ouverts en permanence ses commerces et restaurants, refusait d’imposer le port du masque ou de fermer les écoles, les autres pays d’Europe adoptaient à l’inverse des trains de mesure lourdement contraignants et qui ne s’appuyaient en vérité sur aucune science solide.

Dix-huit mois plus tard, on nous assure avec la même certitude absolutiste que la seule alternative possible est entre le pass sanitaire et le confinement.

Ce qui n’illustre guère que cette évidence logique qu’en se basant sur des présupposés erronés, on arrive forcément à des conclusions erronées.

Depuis 18 mois également, le modeste expert en santé publique que je suis souligne à tel point les mesures « sanitaires » imposées par les autorités et tout un cortège de sachants (professeurs, experts, médecins cantonaux, etc.) dévient complètement à la fois des plans pandémie qui avaient été soigneusement préparés et des « bonnes pratiques » recommandées. Le Pr Donald Henderson (épidémiologiste crédité pour avoir joué un rôle décisif dans l’éradication de la variole) rappelait dans un article publié il y a une quinzaine d’années que :

« L’expérience a montré que les communautés confrontées à des épidémies ou à d’autres événements indésirables réagissent mieux et avec moins d’anxiété lorsque le fonctionnement social normal de la communauté est le moins perturbé.

Une gouvernance politique et de santé publique forte pour rassurer et garantir que les services de soins médicaux nécessaires sont fournis sont des éléments essentiels.

Si l’un ou l’autre n’est pas optimal, une épidémie gérable peut se transformer en catastrophe. »

Il soulignait dans cet article que :

Il n’existe pas d’observations historiques ou d’études scientifiques qui soutiennent le confinement par quarantaine de groupes de personnes potentiellement infectées pendant de longues périodes afin de ralentir la propagation de la grippe.

Les conséquences négatives d’une quarantaine à grande échelle sont si extrêmes (confinement forcé des personnes malades avec les personnes bien portantes ; restriction complète des mouvements de larges populations ; difficulté d’acheminer des fournitures essentielles, des médicaments et de la nourriture aux personnes se trouvant à l’intérieur de la zone de quarantaine) que cette mesure d’atténuation devrait être éliminée de toute considération sérieuse…

Les restrictions aux voyages, telles que la fermeture des aéroports et le contrôle des voyageurs aux frontières, ont toujours été inefficaces. Le groupe de rédaction de l’Organisation mondiale de la santé a conclu que « le contrôle et la mise en quarantaine des voyageurs entrant aux frontières internationales n’ont pas retardé de manière substantielle l’introduction du virus lors des pandémies passées… et seront probablement encore moins efficaces à l’ère moderne »…

Pendant les épidémies de grippe saisonnière, les manifestations publiques auxquelles on s’attendait à assister en grand nombre ont parfois été annulées ou reportées, le but étant de réduire le nombre de contacts avec les personnes susceptibles d’être contagieuses. Il n’y a cependant aucune indication certaine que ces actions aient eu un effet significatif sur la gravité ou la durée d’une épidémie.

Comment en sommes-nous arrivés à nier les bonnes pratiques et la science pour adopter des mesures délétères et clairement inefficaces ? Ce sera aux historiens ainsi qu’aux spécialistes de la manipulation mentale et de la psychopathologie collective de l’établir.

En attendant, les mêmes « experts » qui avaient recommandé ces mesures destructrices tiennent toujours le crachoir en en réclamant de nouvelles !

Et la Suède dans tout cela ?

Ce « caillou dans la chaussure » de la santé publique frauduleuse semble avoir basculé dans le non-dit et même l’impensé. Les « experts » qui avaient énoncé ces sottises prédictives à son sujet évitent soigneusement le sujet et dans nos pays où le journalisme n’existe plus dans les médias grand public, aucun « journaliste » ne leur pose sérieusement la moindre question.

Ce qui est bien dommage pour quiconque aimerait comprendre ce qu’il en est. Dans l’omerta régnante, l’évitement du sujet fait hélas sens puisque le but des autorités politiques et sanitaires semble bien être non pas d’informer la population mais d’obtenir son adhésion aveugle aux dogmes sanitaires, même erronés.

La situation actuelle en Suède est pourtant aussi enviable qu’il est possible, sans masques ni restrictions d’aucune sorte !

Et pour l’année et demie écoulée ? Quel en est le vrai bilan ?

Au cours de mes diligentes recherches, je suis tombé sur un excellent article résumant la « question suédoise ». Il est dû à la plume et aux sagacités du Pr Eyal Shahar, professeur émérite de santé publique (université d’Arizona), médecin (université de Tel-Aviv, Israël) et professeur d’épidémiologie (université du Minnesota).

Celui-ci m’ayant donné son autorisation pour traduire et re-publier son article (publié originellement sur le site de blogs américain Medium), je m’empresse de le faire avec mes chaleureux remerciements à son auteur.

Comme pour d’autres articles que j’ai déjà re-publiés sur ce site de réels épidémiologistes et spécialistes en santé publique (parmi les meilleurs au monde comme les Pr Goetzsche, Toubiana, Ioannidis, Gupta, Kulldorf ou Battacharya) nous avons à faire ici avec de la vraie science et donc une réelle intelligence de la réalité. Rien à voir avec les élucubrations frauduleuses (comme l’a montré par exemple Vincent Pavan) des comités scientifiques officiels, bourrés de conflits d’intérêts, au service des politiques antiscientifiques et liberticides.

Comme le rappelle le Pr Shahar en conclusion de l’article qui suit :

La pandémie a fait des victimes, plus ou moins nombreuses selon les pays et au sein des pays, et a surtout touché les personnes âgées fragiles. Mais les mesures de confinement et de panique n’étaient pas fondées, n’ont rien empêché et ont causé des dommages indescriptibles à la société. Les statistiques suédoises nous disent, sans équivoque, que dans une grande partie du monde, des vies ont été perdues et des moyens de subsistance ont été détruits – en vain.

Quelqu’un, dans quelque pays que ce soit, sera-t-il tenu pour responsable ?

Pas l’ombre d’un doute : la Suède avait raison

Compter les morts était autrefois le travail des épidémiologistes, des statisticiens et des démographes. Il en allait de même pour l’analyse des données et la formulation de conclusions. Depuis un an, beaucoup comptent les décès, mais les chiffres n’ont aucune signification sans le contexte d’une période, d’une population et d’une histoire pertinentes. C’est-à-dire l’épidémiologie.

Le pays le plus décompté est probablement la Suède, un dissident obstiné qui a refusé les mesures de confinement, les masques obligatoires et le traçage des contacts. À l’heure où nous écrivons ces lignes (fin mai, NdT), 14’349 Suédois seraient morts du coronavirus. Le modèle suédois a-t-il échoué ? Les mesures de confinement étaient-elles justifiées ? Les bouleversements économiques et sociaux dans la plupart des pays du monde étaient-ils une nécessité inévitable ?

La réponse à toutes ces questions est un non catégorique. Le premier (et non le seul) témoin : la Suède. Pour comprendre le témoignage, nous devons apprendre seulement deux concepts : « année de grippe » et « surmortalité ».

 

« Année de grippe » versus année civile

Beaucoup calculent les statistiques de mortalité selon le calendrier grégorien, mais le 31 décembre n’est pas une date de fin significative pour la mortalité hivernale dans l’hémisphère nord. La vague de grippe et la vague de mortalité qui lui est associée atteignent leur pic à différentes dates, et parfois des vagues secondaires apparaissent. En outre, l’utilisation du calendrier grégorien combine la mortalité de la première partie d’un hiver (parfois douce) avec la mortalité de la deuxième partie de l’hiver précédent (parfois sévère). Ce regroupement n’a en fait aucune justification scientifique pour l’analyse des tendances historiques.

L’alternative statistique, qui peut être appelée « année de la grippe », contient une saison hivernale complète. La mortalité annuelle est calculée à partir du début de la saison grippale, qui est généralement comptée à partir de la semaine 40 (début octobre), jusqu’à la semaine 39 de l’année suivante (fin septembre). Ainsi, les vagues de coronavirus du printemps et de l’été 2020 appartiennent à l’année grippale 2019-2020, tandis que la dernière vague hivernale appartient à l’année grippale actuelle, qui se terminera en septembre.

 

Excès de mortalité

Le concept de « surmortalité » est un peu abstrait. Nous devons comparer la mortalité réelle à la « mortalité attendue », mais cette dernière est une idée théorique qui ne peut être vérifiée : quelle aurait été la mortalité de l’année grippale 2019-2020 s’il n’y avait pas eu de pandémie ? Comment calculer la « mortalité attendue » ?

Une méthode utilise un modèle statistique appelé régression linéaire. Nous ajustons une ligne aux données de mortalité des années précédentes, vérifions ses performances passées et utilisons le prolongement de la ligne pour calculer la mortalité attendue. La distance entre un point de données de la mortalité réelle et la mortalité attendue sur la ligne est la surmortalité (ou « déficit de mortalité »).

 

Mortalité en Suède par année de grippe

Le graphique montre la mortalité annuelle en Suède par million d’habitants au cours des 22 dernières années de grippe, où chaque année de grippe est étiquetée en fonction de l’année civile dans laquelle elle se termine. Par exemple, le dernier point de données du graphique correspond à la mortalité entre octobre 2019 et septembre 2020 : 9 234 par million de personnes (95 365 décès). Pour agrandir, l’axe vertical commence à 7 000.

Source : SCB.SE

Il est facile de voir que les points sont situés près d’une ligne droite, jusqu’à l’année de grippe qui s’est terminée en septembre 2018. La tendance générale à la baisse reflète une augmentation constante de l’espérance de vie en Suède depuis de nombreuses années.

Les analystes de données expérimentés attesteront que les fluctuations autour de la ligne sont généralement faibles et attendues jusqu’en 2018 (variation expliquée : 0,96). En revanche, l’année de grippe qui a précédé la pandémie (2018-2019) et l’année de pandémie (2019-2020) s’écartent sensiblement de la ligne : la première – dans une mortalité plus faible que prévu, et la seconde – dans une mortalité plus élevée que prévu.

 

Excès de mortalité en Suède pour l’année grippale 2019-2020

La poursuite de la ligne, qui a été ajustée par le modèle statistique, donne les estimations suivantes : En 2018-2019, il y a eu en Suède un  » déficit de mortalité  » de 300 décès 8en moins) par million d’habitants (-3,3 %) alors qu’en 2019-2020, année de la pandémie, il y a eu une surmortalité de 364 par million d’habitants (+4,1 %). La surmortalité qui suit le déficit de mortalité, et vice versa, est bien connue et attendue, car la principale source de mortalité est une population âgée avec une espérance de vie limitée. (La séquence « excès après déficit » est, bien sûr, meilleure que l’ordre inverse).

En supposant que la surmortalité en 2019-2020 a  » entièrement équilibré  » le déficit de mortalité de l’année de grippe précédente, la véritable surmortalité en Suède était inférieure à 1 % (environ 700 décès). Et si nous supposons, de manière absurde, que la mortalité en 2019-2020 n’a pas du tout été affectée par le déficit de mortalité de l’année de grippe précédente, alors la surmortalité en Suède n’a pas dépassé 4,1% (environ 3 800 décès). Une surmortalité de quelques points de pourcentage, voire plus, a été calculée dans de nombreux pays où la vie a été gravement perturbée. Une partie de cette surmortalité a été attribuée au confinement et à la panique.

Pour rappel, la réaction hystérique à la pandémie n’était pas due à la crainte d’une surmortalité annuelle de 4% ou même de 10%. Les prévisions apocalyptiques, qui ont provoqué la fermeture du monde, prévoyaient environ 90 000 décès dus au coronavirus en Suède d’ici l’été 2020 : 100% de surmortalité ! Pas étonnant que les décideurs du monde entier préfèrent oublier ces prévisions.

 

Mortalité en Suède pendant l’année grippale en cours

Le bilan définitif de l’année grippale en cours (octobre 2020 – septembre 2021) sera connu à l’automne, mais les données accumulées à plus de la moitié du parcours permettent de tirer des conclusions intermédiaires. Comme beaucoup le savent, le coronavirus a remplacé les virus de la grippe cette année, et il n’y a pas eu de grippe en Suède non plus. Il n’y a pas eu non plus de prédictions apocalyptiques, seulement des avertissements sur le nombre de décès accumulés.

J’ai choisi de comparer la mortalité en Suède au cours de l’année grippale actuelle (de la semaine 40, 2020 à la semaine 15, 2021) à la mortalité correspondante en 2017-2018. Deux raisons expliquent ce choix : premièrement, l’Europe a connu une saison de grippe sévère au cours de cet hiver-là, ce qui en fait une comparaison appropriée. Deuxièmement, bien que la saison de la grippe ait été alors sévère en Suède par rapport aux années précédentes, elle est restée sensiblement plus douce que dans l’ensemble de l’Europe.

Le graphique montre une faible vague de mortalité à la fin de 2017 et une vague notable en février-mars 2018 (un autre exemple de la raison pour laquelle une coupure au 31 décembre pourrait fausser les tendances historiques). L’hiver dernier, la vague de mortalité a coïncidé avec la vague de coronavirus et son pic fin décembre. (En 2020, il y avait 53 semaines, donc les dates ne correspondent pas exactement.) Une vague secondaire de coronavirus, qui est apparue à la mi-février, à mi-chemin du déclin de la première, n’a pas entraîné de vague de mortalité secondaire.

Le nombre de décès toutes causes confondues en Suède au cours des 29 premières semaines de l’année grippale en cours est de 56 452 (5 441 par million d’habitants), contre 55 967 (5’544 par million d’habitants) à la même période en 2017-2018. Au cours de cet hiver, le taux de surmortalité en Europe attribué à la grippe était au moins deux fois plus élevé qu’en Suède.

La Suède a eu raison lors de la contre-épreuve.

 

Une erreur colossale

La pandémie a fait des victimes, plus ou moins nombreuses selon les pays et au sein des pays, et a surtout touché les personnes âgées fragiles. Mais les mesures de confinement et de panique n’étaient pas fondées, n’ont rien empêché et ont causé des dommages indescriptibles à la société. Les statistiques suédoises nous disent, sans équivoque, que dans une grande partie du monde, des vies ont été perdues et des moyens de subsistance ont été détruits – en vain.

Quelqu’un, dans quelque pays que ce soit, sera-t-il tenu pour responsable ?

 

Pr Eyal Shahar

Professeur émérite de santé publique (université d’Arizona) ; médecin (université de Tel-Aviv, Israël) ; professeur d’épidémiologie (université du Minnesota).

Traduction française : Jean-Dominique Michel, anthropologue de la santé et expert en santé publique, Genève (Suisse)

Lien vers l’article original : cliquer ici.