Contre l’avis du Conseil Scientifique : critique médico-juridique de la notion de catastrophe sanitaire

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Depuis onze mois, le présent blog constitue une expérience unique en Suisse de débat expert et citoyen. En plus d’agacer certains « journalistes » (qui trouvent qu’un tel espace représente un « danger pour la démocratie » dès lors que les idées exprimées ici ne sont pas soumis à leur moulinette…), il a accueilli plus de 3 millions et demie de lecteurs ainsi qu’une bonne soixantaine d’auteurs de toutes sortes de domaines d’expertise, engagés à produire des réflexions utiles qui puissent compenser tant soit peu le « manque à penser » infligé par les médias installés, au passage tous fortement dépendants des soutiens étatiques.

Alors que les GAFAMs et le gouvernement français cherchent des noises à France Soir, organe de presse qui a fait un travail remarquable et unique dans l’espace francophone de questionnement du narratif officiel (du journalisme, quoi), on peut souligner à quel point les espaces de réflexion se sont rétrécis comme peau de chagrin, entre la censure insensée et choquante des GAFAMs, la démission des médias classiques et la stérilisation du débat d’idées par stigmatisation des rares penseurs osant penser à voix haute.

Car bien sûr, oser penser c’est forcément questionner la somme d’incohérences, d’absurdités et de mensonges qu’on nous a servis par supertankers  depuis bientôt une année. Dernière absurdité en date (mais elle est tout sauf drôle), le Conseil fédéral vient de prolonger les mesures destructrices sans bénéfices avérés au motif qu’il faut rester prudent même si tous les indicateurs épidémiques sont excellents, ici comme ailleurs.

Et avec cette imbécilité (au sens étymologique, rassurez-vous ! de « marcher sans le bâton du bon sens et de la raison » comme le rappelait Michel Maffesoli) de croire que cette baisse est le résultat des mesures prises depuis deux mois.

D’autres pays autour de nous ont connu des baisses comparables sans imposer ces mesures, les meilleures équipes de recherche au monde confirment que lesdites mesures n’aident en rien, peu importe, le Conseil fédéral dit la science, telle que murmurée à son oreille par la Task Force et au diable la réalité !

Quant aux commerçants et restaurateurs, ils sont priés d’agoniser en silence et les jeunes d’avoir des idéations suicidaires ou de passer à l’acte sans trop faire de bruit. Tout ceci à cause de mesures tortionnaires (selon l’analyse de Me Araujo-Recchia) imposées en pure perte rappelons-le selon les données de la vraie science.

 

Au premier rang des beautés de la vie ce blog, il y a eu la qualité extraordinaire de nombre de contributions. Je le dis avec la sincérité la plus grave et sans flatterie. Les médias ricaneurs auraient mieux fait d’inviter nombre de mes invités pour essayer de comprendre quelque chose à la situation en cours. Ou même simplement de les lire : ils auraient beaucoup appris !

Après une contribution exceptionnelle, il y a quelques jours, portant sur les données réelles relatives au Covid telles qu’on peut les comprendre à la lumière de la vraie science statistique (et non des délirantes élucubrations de la Task Force), j’ai l’honneur et la joie d’accueillir aujourd’hui un autre texte de grande qualité, co-rédigé par un médecin et une juriste.

Les auteurs ont tenu eux aussi à rester anonymes – si les médias dans leur ensemble étaient un peu moins voyous dans leurs parti-pris et leurs campagnes de diffamation, on pourrait ma foi s’en étonner ou le regretter. A défaut, on le comprendra volontiers.

Reste que les auteurs proposent ici un texte diablement intéressant, explorant la notion de « catastrophe sanitaire » qui a fondé notre réaction collective à une épidémie dont les contours restent ô combien à questionner. Le médecin de la paire intervient au sein d’un des réseaux de signalement des épidémies respiratoires nommés dans l’article et connaît donc comme personne son sujet.

Les conclusions ne surprendront que les lecteurs désinformés, non ceux qui ont fait l’effort de se renseigner sans juste biberonner les contenus prémâchés par les médias « victimes » des manipulations d’état – pour faire un clin d’œil à notre publication d’hier.

Si l’on prend les chiffres dans le bon sens, on ne trouve rien qui relève d’une situation d’urgence sanitaire et encore moins d’une catastrophe. La démonstration demande un petit effort de lecture, mais en vaut ô combien la peine. Les auteurs enchaînent en montrant combien nous aurions, avons besoin d’un effort théorique, sociologique, scientifique et juridique à produire pour remettre des points cardinaux et du sens dans la dérive en cours.

Ils parcourent ensuite différents axes thématiques tous aussi pertinents les uns que les autres : la question des indicateurs biaisés et déconnectés de l’expérience des soignants ; la critique des tests PCR et de l’indice du R0 ; le questionnement de la nature et de la justification de la stratégie sanitaire en cours ; la présentation des principaux biais cognitifs à l’œuvre dans les réponses politiques, dont ceux prégnants et redoutables des coûts irrécupérables et de l’aversion à la perte qui éclairent l’incapacité des autorités à tenir compte de leurs erreurs et corriger le tir de mesures inadéquates et exagérées.

Avant de conclure par une intéressante réflexion autour de la pression mise sur les médecins pour encourager la « vaccination » et la licéité d’une réserve en la matière du fait des incertitudes sur les effets négatifs possibles à moyen et long-terme de produits expérimentaux…

Un tour d’horizon de haut vol, avec certaines perspectives (notamment en ce qui concerne les indicateurs) que je n’avais jamais trouvées ailleurs.

C’est donc avec une sincère gratitude envers les auteurs que j’accueille et partage leur article sur cette page. Dans l’aventure et l’activisme qui sont les miens depuis une année figure comme valeurs centrales la défense du débat d’idées digne de ce nom et celle énoncée non sans provocation et ironie par le Pr Raoult : « Nous avons le droit d’être intelligents ! »

Si les politiques et les médias mettent une énergie de tous les diables à stériliser le débat et bêtifier le propos, les nombreux contributeurs de cette page, médecins, experts en santé publique, juristes, sociologues, anthropologues, philosophes, psychanalystes ou psychiatres, auront contribué à organiser une résistance intellectuelle digne de ce nom.

Et à l’heure où les GAFAMs censurent à tout va tous les contenus licites et respectables qui ne leur convient pas, il faut remercier la Tribune de Genève d’avoir accueilli et laissé vivre cet espace de liberté et d’ (im)pertinence.

Mon blog semble toutefois avoir été dé-référencé depuis quelques semaines, c’est-à-dire que les nouveaux articles ne sont plus annoncés au même titre que les autres sur la page des blogs de la TG et donc plus visibles publiquement. J’ai essayé à deux reprises d’avoir une réponse du journaliste responsable pour savoir si cette occultation était délibérée, et la question reste pour l’instant en suspens. Ce sera intéressant le cas échéant de savoir si la TG a reçu des pressions ou exprime une forme de mauvaise humeur face à mon (mauvais) esprit.

A une époque de censure et de diffamation, ce serait en tout état de cause un moindre mal. Questionnable certes par hypothèse dans son intention et ses valeurs ; mais attendons la réponse, il se peut que cela soit fortuit. Et place donc à ce texte si intéressant…

 

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Article : Contre l’avis du Conseil Scientifique         

Télécharger au format pdf : cliquer ici.    

                                           

Il est possible de contester sur le fond la validité des avis rendus par le Conseil Scientifique Covid-19 (CS) constitué en début 2020 et par lesquels sont justifiées toutes les mesures de santé publique prises par le gouvernement, validées par le Conseil d’État et ratifiées par l’Assemblée. Les trois pouvoirs de l’Etat ont une confiance aveugle dans un CS qui détermine des mesures sanitaires gravement disproportionnées.

Considérant que ce dernier est saisi du devoir de statuer sur un état de « catastrophe sanitaire » par les termes du Code de Santé Publique (CSP), il est impératif au moins de tenter de le définir. En tout début d’épidémie, il est défendable que cette définition ne soit pas formalisée a priori, par défaut de statistiques à jour. En cours d’épidémie et particulièrement un an après, ces statistiques existent pourtant et doivent impérativement être mises à profit pour caractériser a posteriori un tel état de catastrophe sanitaire. Pourtant, aucune définition n’apparaît à ce jour dans le moindre avis ni note du CS. Le référentiel choisi arbitrairement est celui de la grippe hivernale et il est gravement incomplet.

Considérant en second lieu qu’il faut étudier la proportionnalité de la réponse sanitaire proposée par le CS, soit une estimation raisonnable du bénéfice des mesures engagées versus le risque à en craindre, il est proposé un aperçu à plus grand angle de la situation et de la stratégie adoptée.

Pour finir, quelques considérations sur la psychologie de la prise de décision en situation d’incertitude qui devraient être connues et intégrées par tous les décideurs politiques, médicaux, économiques et judiciaires.

Tant qu’il existe le fantasme d’une immense catastrophe sanitaire, toutes les formes de contestations des mesures entreprises resteront au pied d’un mur infranchissable qui les fera passer pour cyniques. Il faut donc faire tomber ce mur.

 

I – DIAGNOSTIC DE GRAVITE DE LA PANDEMIE : MÊME ORDRE DE GRANDEUR QUE LES AUTRES ANNEES

 

A quoi comparer la Covid ? Influenzavirus ou Infections Respiratoires Aigües ?

Au début 2020 et encore aujourd’hui, les épidémiologistes estiment la gravité de la situation en comparant l’épidémie de Covid-19 à celle de la grippe saisonnière (réaffirmé par l’Avis du CS du 27/07) (1). Pourtant, sous le terme grippe, c’est l’ensemble des Infections Respiratoires Aigües (IRA) qui réalise tous les ans une épidémie hivernale recouvrant de nombreux virus et surinfections bactériennes de façon indistinctement mêlés, ce que l’on nomme « syndromes grippaux ». Ce qui a pour effet que lorsque l’on tente d’estimer plus spécifiquement parmi ceux-ci les « vraies » grippes à influenzavirus, on ne trouve naturellement qu’une fraction des IRA. Et la mortalité qui en est extraite n’est qu’une fraction de l’ensemble de la mortalité annuelle par IRA. Ainsi, le Covid-19 comparé à influenzavirus est beaucoup plus mortel, mais comparé à l’ensemble des IRA il ne l’est pas du tout. Et cette erreur est tout simplement reproduite internationalement.

 

Voici de quoi la surveillance épidémiologique est faite

En France, la définition de cas pour la grippe choisie dans la méthodologie Sentinelle par l’INSERM et Sorbonne Université (début brutal, fièvre > 39, symptômes respiratoires) n’est absolument pas diffusée ni employée par les généralistes, parce qu’ils savent très bien d’abord qu’elle n’est pas toujours aussi fébrile ni de début subit que le sous-entendent les critères choisis, et ensuite parce qu’ils pressentent bien que d’autres virus et leurs surinfections bactériennes sont à l’œuvre chez leurs malades (Morens, Taubenberger, Fauci 2008) (2). Ils y préfèrent le diagnostic clinique de syndrome grippal et les diagnostics médicaux représentent donc bien plus le phénomène global des IRA qui s’étendent sur toute l’année et connaissent un pic hivernal.

La grippe est surveillée par Santé Publique France (SPF) dont les données remontent de 3 principaux réseaux :

    • Les 1’400 généralistes et pédiatres libéraux du réseau Sentinelle qui remonte ses données au Centre National de Référence (CNR) de l’Institut Pasteur.
    • Les 60 associations SOS Médecins soit 1000 médecins.
    • Les 600 services d’urgences du réseau Oscour.
    • S’y ajoutent les données INSEE.
    • L’ensemble réalise le réseau SursaUD, (Urgences et Décès).

Parmi ces sources, toutes sont exclusivement fondées sur la définition clinique très large des syndromes grippaux et il n’y est pas réalisé de rapprochement virologique par PCR influenzavirus. Toutes sauf le réseau Sentinelle sur lequel l’ensemble de la connaissance de l’influenzavirus est fondé.

    • SOS Médecins a abandonné tout rapprochement virologique depuis 8 ans, quand le laboratoire Roche a cessé de financer l’envoi de tests grippe. Ce sont donc des approximations cliniques, des syndromes grippaux, des IRA.
    • Oscour, réseau des Urgences, ne réalise aucun rapprochement virologique. Ce sont donc là aussi des approximations cliniques, des syndromes grippaux, des IRA.
    • Pour les patients hospitalisés après passage aux urgences, le rapprochement PMSI avec Oscour remonte d’un facteur 5 le nombre de diagnostics de grippe faits aux urgences, mais toujours sur des critères cliniques sans rapprochement virologique (3).
    • Seule la surveillance des Syndromes de Grippe Graves (SGG) réalisée dans les services de réanimation, effectue en bout de course un rapprochement virologique extrêmement réduit (1500 dossiers, 500 décès par influenzavirus) (4), inexploitable à large échelle.
    • Sentinelle déclare 10 à 15’000 cas de syndromes grippaux annuellement et en extrapole 2 à 2,5 millions de cas par an (5). Or cette donnée n’est confortée par des tests grippe réalisés en ville que pour 3-5’000 tests ambulatoires par an, dont la moitié est positive à influenzavirus A ou B (6).

Hors Sentinelle, rien ne sert donc à la connaissance réelle du rapport influenzavirus sur l’ensemble des IRA. Pourtant, cette statistique de 3-5’000 tests pratiqués chez les patients dont les symptômes grippaux sont les plus typiques voire les plus sévères présente un fort risque de biais compte tenu de l’effectif faible et la sur-représentation des cas les plus graves.

De plus, cette statistique de 50% est encore biaisée par l’exclusion des Infections Respiratoires Aiguës définies comme tous les cas de symptômes respiratoires d’apparition brutale (au moins un parmi : toux, dyspnée et rhinite), « dus à une infection selon le jugement du clinicien » et ne répondant pas à la définition d’un syndrome grippal, mais toujours de moins de 5 jours et, fait notable, à l’exclusion de tous les patients de moins de 65 ans (5).

Cette méthodologie est donc excellente pour affirmer la présence d’influenzavirus (VPP forte), mais très insuffisante pour le détecter partout (Se très faible).

Et c’est le bout de la chaîne. Il n’y a rien après. Impossible d’en tirer une statistique sur la morbi-mortalité imputable réellement à l’infuenzavirus. Simplement une statistique générale de 50% d’influenzavirus sur les données Sentinelle (6).

 

D’où sort alors le chiffre de 10 à 15000 morts de grippe ?

Le CNR à l’Institut Pasteur estime un « excès de mortalité annuel attribuable à la grippe » de 10 à 15’000 (7). Ce chiffre correspond à la moitié de l’excès de mortalité hivernal observé chaque année, en vertu de cette statistique de 50% issue de la surveillance Sentinelle. Ce nombre est donc la moitié des variations d’une année sur l’autre de la mortalité de l’ensemble des IRA qui sont peut-être 50’000 et d’autres fois 80’000 ; peut-être 90’000 et d’autres fois 120’000 : c’est une donnée statistique manquante ! La mortalité de l’épidémie de grippe saisonnière est rapportée à sa seule variation annuelle, la partie émergée de l’iceberg des IRA.

Erreur que l’INSEE renouvelle dans son rapport de janvier (8) « en comparaison, la grippe de l’hiver 2019-2020 a entraîné environ 4’000 décès, après 10’000 décès pour la grippe de l’hiver précédent [Santé publique France, 2020] » et que le Conseil Scientifique reproduit depuis 1 an.

C’est de cette méthode qu’est estimée la mortalité due à l’épidémie de grippe saisonnière, qui n’est donc qu’une fraction de la mortalité réelle par IRA. Ce référentiel choisi par le CNR et par SPF, remonte jusqu’à l’European Influenza Surveillance Network (EISN) de l’European Center for Disease Control (ECDC) (9) où sont signalées les données des réseaux Sentinelle qui retrouvent toujours avec la même méthodologie 50% d’influenzavirus.

Et ce, depuis les travaux de Serfling qui datent de 1963 (10). Les réseau Sentinelle détecte la grippe à partir de l’excès de cas détectés pendant la surveillance (11) ! La partie émergée de l’iceberg des IRA constitue l’épidémie de grippe. Et l’autre donnée tangible sur laquelle se fonde l’ensemble de la surveillance, est le taux de positivité de 50%.

Et c’est une découverte stupéfiante : l’ensemble des statistiques de surveillance des syndromes grippaux entre la France et l’ECDC, et peut-être par extrapolation l’ensemble des statistiques européennes sont biaisées. Comment imaginer que, s’il existait des standards de meilleure qualité autre part, l’ECDC accepterait des données biaisées de notre seul pays ?

Pourtant, ce référentiel pourrait largement être « challengé », par exemple avec les intéressantes données issues des laboratoires hospitaliers : 100-150’000 tests grippe y sont réalisés annuellement dont 1/6 (16%) est positif (SPF 2015-2020) (12) (13). Ce chiffre provient du REseau NAtional des Laboratoires hospitaliers (RENAL) dont la base de données RENOG est communiquée au CNR qui les pilote. Et il est Impossible d’accéder à cette base de données, ce à quoi l’explication reste à déterminer.

 

50% ou 16% ?

L’enjeu n’est pas anodin car s’il existe dans les laboratoires des hôpitaux une statistique réalisée sur un effectif aussi grand (100-150’000 tests/an), il y a fort à parier qu’elle est beaucoup plus représentative de la vraie proportion entre la surmortalité hivernale et l’ensemble de la mortalité annuelle par IRA en population générale.

Et même là il existe un biais de recrutement hospitalier (les cas les plus sévères donc une sur-représentation probable des cas de grippe ou de surinfections) donc on pourrait au mieux estimer pour les IRA ambulatoires un ordre de grandeur de peut-être 6 à 10 fois supérieur à ce qui est attribué à la seule grippe.

Ce dont on pourrait extraire une estimation large mais dont l’ordre de grandeur serait de 6 à 10 fois les variations hivernales attribuées à la grippe (50% des variations soit 10 à 15’000 sur 20 à 30’000 excès de décès), soit quelque chose entre 60’000 et 100’000 morts. Ceci n’étant qu’une fourchette large destinée à illustrer notre totale méconnaissance du sujet.

 

Ordre de grandeur de la surmortalité Covid-19 en 2020

Les statistiques utilisées par SPF pour la Covid sont fondées sur des déclarations similaires à celles de la surveillance de la grippe saisonnière (Oscour, Sursaud et Sentinelle) auxquelles s’ajoutent les données issues des déclarations de test positifs du dépistage de masse.

En 2020, ces mêmes réseaux ont coté « Covid » tout ce qu’ils cotaient antérieurement « grippe et syndromes grippaux, pneumopathies, exacerbations spastiques de BPCO par surinfection, etc. », autrement dit les IRA. Dans bien des cas les infections ORL bénignes auront aussi été cotées Covid. Pire, une bonne partie de la mortalité cardio-respiratoire et neurologique survenue chez des patients testés positifs aura été intégrée dans les statistiques Covid. De la surmortalité de 45’000 imputée au Covid-19 en 2020 (8), quelle est vraiment la part attribuable au SARS-Cov2 ? Le rapprochement définitif entre les cas confirmés atteints de la maladie à SARS-Cov2, appelée Covid-19, avec les cas présumés, n’a pas été réalisé et, pour des raisons évidentes d’impossibilité méthodologique (similaire à la difficulté méthodologique observée tous les ans par SPF pour la grippe), ne sera peut-être jamais réalisé.

En 2020, 2.5 millions de décès de par le monde sont attribués avec les mêmes biais et incertitudes, au Covid-19.

 

A quoi faut-il le comparer ?

Certainement pas à l’excès de mortalité imputable à la grippe. Plus judicieux serait déjà de comparer avec l’excès global de mortalité hivernale (20 à 30’000 décès). Encore plus judicieux : Covid-19 versus IRA (45 000 versus beaucoup plus).

A l’échelle mondiale, l’OMS a rendu publiques en 2020 les études menées entre 2000 et 2019 (14) qui rapportent une mortalité par Infection des Voies Respiratoires Basses (IVRB) de 20 à 75/100’000 hab/an en fonction du revenu par habitant du pays considéré (Tuberculose exclue) : 60 dans les pays à haut revenu et 75 à très bas revenu, 20 à 50 dans les pays à revenu intermédiaire. Ces statistiques sont déclinées pays par pays. Pour la population française de 67 millions l’OMS rapporte 20’700 décès/an d’IVRB (30.4/100’000hab) soit 60 morts/j lissés sur une année mais volontiers 500 morts/j ou beaucoup plus lors des pics épidémiques. Aux USA 200 000. Dans le monde, 3 millions. Nous sommes dans le même ordre de grandeur de ce que l’on nomme en 2020 la mortalité par Covid.

 

Au total :

Le référentiel choisi arbitrairement par le CS est terriblement insuffisant à comparer la Covid-19 avec l’ensemble de la morbi-mortalité habituelle des IRA.

Comparé avec « l’excès de mortalité annuel », on est dans un ordre de grandeur supérieur (10 fois plus environ). Si l’on compare avec la mortalité par IRA, non. Pourtant, l’IRA est bien plus représentative de ce qu’expérimentent au quotidien les médecins qui n’ont pas l’appareillage nécessaire pour faire la différence entre une virose pulmonaire, une pneumopathie bactérienne ou une surinfection bactérienne de virose. La pathologie infectieuse respiratoire globale est donc bien plus représentative du paysage infectieux annuel, ce que reconnaît le réseau Sentinelle lui-même (5), et elle seule mérite d’être comparée à la pandémie de SARS-Cov2.

Les statistiques INSEE sont éloquentes : même excès de mortalité globale en 2020 que les années 2012, 2015, 2017. Une population qui vieillit connaît nécessairement une mortalité qui augmente. Et la nôtre vient de voir passer la génération du baby-boom dans un âge de plus grande fragilité : mortalité habituellement proche de 1% en dessous de 65 ans et de 4% au-dessus !

La surmortalité 2020 réellement imputable au Covid-19, rapportée à la mortalité « habituelle » par IRA, ne constitue donc pas une situation d’urgence sanitaire ni de catastrophe sanitaire. Il s’agit-il, sans « alarmisme ni rassurisme », d’une crise sanitaire touchant des services chroniquement et notoirement sous-dotés et emportant avec elle une part significativement plus grande de nos concitoyens les plus fragiles et devenant plus âgés. Quel que soit le terme qui lui soit le plus adapté, seule cette approche donne un ordre de grandeur raisonnable à mettre en balance avec les risques psychosociaux à court, moyen et long terme des mesures sanitaires.

 

Un effort théorique, sociologique, scientifique et juridique à produire

Quant à la catastrophe, on n’en trouve de définition comprenant une proportion, un référentiel chiffré ne serait-ce que par un ordre de grandeur, ni en droit international (où ressort le plus souvent un texte cité notamment par les Lignes Directrices de l’IFRC – Croix Rouge Internationale : l’Art. 1.6 de la Convention de Tampere), ni en droit français (au mieux, la loi 82-600 du 13 Juillet 1982 selon l’analyse proposée par Claude Lienhard, Professeur émérite et avocat exerçant au sein d’un cabinet ayant traité de l’affaire Mediator, publiée au Dalloz 1995 : « Pour un droit des catastrophes »).

Dans le premier cas : « on entend par « catastrophe » une grave perturbation du fonctionnement de la société causant une menace réelle et généralisée à la vie ou à la santé humaine, aux biens ou à l’environnement, que la cause en soit un accident, un phénomène naturel ou une activité humaine et qu’il s’agisse d’un événement soudain ou du résultat de processus complexes se déroulant sur une longue période. » (15). Dans le second cas : « sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens de la présente loi, les dommages matériels directs ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises. » (16).

On pourrait donc attendre du CS un référentiel mettant en évidence les éléments soulignés (la grave perturbation ; l’intensité anormale). Le point clé de la situation sanitaire réside dans le fait que nous la prenons pour une nouveauté surajoutée, tout comme peut l’être une canicule, le terrorisme, une guerre ou une catastrophe technologique. Pourtant, ce à quoi nous assistons n’est pas nouveau, mais c’est l’aggravation d’une mortalité par IRA préexistante. Chacun comprend le caractère catastrophique de la chute d’une immense météorite, tuant en plus de tous les autres processus morbides habituels connus. Mais pour définir comme catastrophique la simple amplification d’un phénomène connu et préexistant, dont les oscillations annuelles varient du simple au triple, il faut proposer un ordre de grandeur : si un phénomène épidémique tue 1,5 fois la population habituelle, nous sommes dans les variations connues de la mortalité par IRA. Si nous changeons d’ordre de grandeur (proche de 10 fois plus de mortalité), chacun s’accorde sur la définition de catastrophe. Entre les deux, quel curseur devrions-nous choisir ?

Selon Claude Lienhard (17), concernant la notion de catastrophe, « on trouve toujours un événement qui entraîne le passage de l’incident naturel ou technique à l’accident ». Face à la question du seuil à définir pour la notion de catastrophe, la question est posée : « à partir de quand se trouve-t-on, en fonction du nombre des victimes, face à une catastrophe ? L’interrogation peut paraître cynique ou dérisoire, elle mérite néanmoins d’être abordée. Car de la réponse apportée dépend l’efficacité de la mise en œuvre des mécanismes spécifiques […] La question reste ouverte. La réponse nous sera donnée par l’analyse des retours d’expériences, tout laisse à penser qu’elle sera plus sociologique que juridique. » Il précise : « on est ici dans un domaine éminemment subjectif ; il faudrait, pour comprendre l’exact mécanisme de constitution du phénomène dans la conscience précisément collective, se livrer à une fine analyse de sociologie du droit et des médias […] C’est surtout les médias qui dénomment et catégorisent les catastrophes ». Tout ceci est écrit avant 2019.

Chacun reconnaîtra que, par le fait d’une « causalité complexe […] les experts sont les auxiliaires incontournables du juge ». D’où la grande rigueur attendue d’un CS, en vertu du « droit à la vérité. »

« Ce droit doit exister à tous niveaux. Il s’agit du droit de savoir, avec la volonté de transparence. Ce droit existe avant tout incident. Il englobe tout ce qui concerne le droit à l’information des citoyens face aux risques. Il doit imposer une véritable participation préalable, doublée de mécanismes de contrôle direct ou indirect. Après un incident, quel qu’il soit, bénin ou lourd, c’est le droit de concourir à l’instruction civile ou pénale des accidents, avec la nécessité d’aller jusqu’à la vérité. On y trouve tout le droit de l’expertise, mais aussi le droit relatif à la diffusion des informations et à ses limites. En fait, il faudrait élaborer un véritable droit processuel, au sens large, des situations à risques et des crises. » Ce qui n’existe pas aujourd’hui. L’ensemble du cadre juridique dans lequel nous baignons est un vide juridique.

Pour finir, voici ses considérations sur la place et le rôle de chacun dans la prise de décision face à la catastrophe :

« La prise en compte des situations de catastrophe ou de crise organisationnelle conduit, bien sûr, à s’interroger sur la fiabilité et l’efficacité de l’appareil administratif. Quels rôles et quelles responsabilités pour les conseillers, pour les diverses commissions à tonalité décisoire ou consultative, quelle place pour les initiatives de la société civile et associative, quelle efficacité des plans de secours, quelle cohérence au niveau de la législation communautaire ? Autant de chantiers ouverts, autant de domaines de réflexion dans lesquels il est indispensable que les réponses à donner tiennent compte de la globalité de la problématique. »

 

« Veritas non auctoritas facit legem »

La décision gouvernementale sanitaire, pour être validée par le Conseil d’Etat, dit vouloir être conforme à la plus haute autorité en matière de prise de décision en médecine, à savoir la science. Par le code de Déontologie et par le CSP (18), c’est à cette ultime autorité que revient la vérité qui fonde la loi (pour l’homme politique) et la prise de décision face à son patient (pour le médecin, Art. R.4127-8 du CSP).

Lorsque cette science fait défaut, par manque de données ou du fait de biais statistiques, alors la prise de décision est biaisée voire caduque. Les dispositions du CSP sont telles qu’un CS doit être constitué dès que se présente un état de catastrophe sanitaire. Et son rôle n’est pas seulement d’éclairer sur les choix thérapeutiques à adopter, mais aussi et surtout de préciser ou de prouver qu’il existe bien une catastrophe sanitaire : « le comité rend périodiquement des avis sur l’état de la catastrophe sanitaire » (Art. L.3131-19 du CSP).

Pourtant, la définition technique et scientifique d’une telle catastrophe n’existe nulle part dans les avis ni dans les notes du CS à ce jour. Il n’en est même pas proposé une définition approchante. Le référentiel choisi pour comparer la crise sanitaire à la situation préexistante est arbitrairement fondé sur la grippe saisonnière. Le CS est pourtant tenu intellectuellement, scientifiquement, moralement et légalement de démontrer que le référentiel choisi est le meilleur et d’expliquer pourquoi. Son propre règlement l’indique. « Ce comité joue un rôle de construction de la pensée et de la décision de santé publique en France. » Or ce qui tient lieu de définition repose seulement sur les indicateurs choisis pour la surveillance. L’ensemble de l’état d’urgence sanitaire et des dispositions qui en découlent est donc fondé sur une donnée manquante et des indicateurs biaisés.

Nul ne peut tout seul fabriquer un cadre d’analyse et un référentiel parfaits, mais il est temps de prendre conscience de ce que le cadre théorique, référentiel au sein duquel doit être défini l’état de catastrophe sanitaire, n’est pas établi. Il faut insérer le doute et la démarche rationnelle qui en découle dans le travail du CS : le référentiel actuel  »Covid versus Influenzavirus » est gravement incomplet ou alors sa validité n’est pas démontrée pour confirmer l’état de catastrophe sanitaire suspecté et soumis à l’analyse du CS par le gouvernement au titre du CSP. Au moins le CS doit-il se montrer disponible et ouvert à ce qu’un autre référentiel probablement plus adapté (mortalité par Covid-19 versus mortalité par infection respiratoire aiguë) vienne le  »challenger » sur le plan théorique, parce que c’est la raison de son existence selon le CSP. En attendant, ses avis ne permettent pas de juger correctement de la balance entre les bénéfices sanitaires attendus et les risques psychosociaux à venir dont il n’existe pas non plus de référentiel permettant d’en estimer correctement la portée (même si le CS met une bonne volonté manifeste à en faire très souvent mention).

 

Des indicateurs biaisés déconnectés de l’expérience des soignants

En premier lieu : le portage de SARS-Cov2 ne signifie pas la maladie Covid-19. La grippe est la maladie due à l’influenzavirus ; la bronchopneumopathie est celle due à des agents viraux et bactériens mêlés dans une proportion qui n’est que supputée et mal connue. A titre d’exemple, une revue du réseau Cochrane en 2018 montre la présence d’une surinfection bactérienne dans la moitié des LBA réalisés chez des enfants qui toussent depuis 1 mois (19) ; enfin, la Covid-19 est la maladie du SARS-Cov2, variant originaire de Wuhan. Aujourd’hui, des symptômes ne se déclarent que chez 15% des patients testés positifs, avec un biais de sur-représentation des patients symptomatiques parmi les patients testés. Le taux de portage sain est donc probablement encore bien supérieur compte-tenu de ce biais. Quant au R0, il est encore plus biaisé par ce fait.

Les tests PCR amplifiés au-delà de 25 cycles peuvent détecter 1 copie de virus par mm3 de prélèvement, alors que l’on considère que la contagiosité existe autour de 100’000 copies/mm3. Un diagnostic, c’est avant tout de la clinique. Les tests servent de diagnostic de certitude. Quant au dépistage, il doit être gouverné par la clinique. En matière de surveillance enfin, seuls des indicateurs cliniques, fondés sur l’identification par les professionnels de santé de patients symptomatiques ayant un test positif, permettent de surveiller la morbidité et la mortalité.

Enfin, l’indicateur de l’occupation des lits est, on le sait, biaisé par le vieillissement d’une population qui elle-même croît et par la raréfaction observée du nombre de lits en hôpital public.

C’est pourtant de ces tests et des statistiques qui en remontent que sont déterminées des politiques globales de santé publique.

 

II – REINFORMER SUR LA DISPROPORTION DE LA REPONSE SANITAIRE

Pour chaque phénomène médical individuel ou collectif observé, il faut un diagnostic : nous connaissons l’identité du SARS-Cov2 ; un diagnostic étiologique : il est en cours de caractérisation ; un pronostic : il est très incertain ; des thérapeutiques avérées : nous en avons de plus en plus (O2, corticoïdes, anticoagulants +/- antibiotiques). Mais qu’en est-il du diagnostic de gravité ? C’est pourtant lui qui détermine les moyens à mettre en œuvre de façon proportionnée, donc la stratégie thérapeutique (individuelle) et sanitaire (collective). Une pathologie bénigne ne mérite que des mesures sans risques ; une pathologie grave impose des moyens plus risqués : c’est la balance bénéfices/risques.

 

Dans quelle stratégie sanitaire sommes-nous ici ?

La surveillance épidémiologique hebdomadaire publiée par INVS/SPF depuis des années est le seul indicateur statistique à peu près fiable en matière d’IRA (bien que biaisé puisque le recrutement est strictement hospitalier) sur la circulation virale d’une dizaine des virus les plus connus ou virulents : influenzavirus A et B, Virus Respiratoire Syncitial, parainfluenzavirus 1 et 2, métapneumovirus, rhinovirus et entérovirus, adénovirus. Il nous apprend que tous ces virus ont un pic épidémique tous les hivers et que certains sont endémiques. Jusque-là, les coronaviridae ne figuraient pas parmi les virus surveillés, du fait de leur bénignité. Quelle connaissance avons-nous de leur circulation réelle habituelle ? 7 variants anciennement détectés à une époque où les projecteurs n’étaient pas braqués sur eux. N’est-elle pas comme les autres, endémique avec pics épidémiques saisonniers ? En 2019 ce virus muté est devenu plus virulent, se hissant peut-être à la létalité de l’influenzavirus. Dans l’hypothèse où sa circulation habituelle serait endémique, quel fol espoir avons-nous de l’empêcher de circuler aujourd’hui comme avant, dans sa forme mutée ?

Depuis septembre où la décision a été prise de tester sans diagnostic médical, on observe un plafond de nouveaux tests positifs autour de 20’000/j (pic à 32’000). Ces tests ne mesurent-ils pas tout simplement la capacité maximale de détection dans la population ? La capacité culmine à 300’000 tests/j en RT-PCR et 150’000 en tests Ag (avis du 12/12 du CS), ce qui détermine mécaniquement un plateau de détection maximal autour de 30’000 positifs/j en ordre de grandeur (le taux de positivité tourne autour de 10%).  Avec 100 fois plus de tests on trouverait peut-être 100 fois plus de contagions. D’ailleurs, mesurent-ils vraiment les contagions, et non le portage asymptomatique pouvant varier en fonction de l’exposition probablement répétée à un virus circulant partout désormais ? Nous n’avons donc aucune lecture réelle du R0 véritable. Le SARS-Cov2 n’est-il pas le variant muté d’un virus endémique ? Sa létalité ne serait-elle pas beaucoup plus faible si nous en mesurions 300’000 ou 3’000’000 de nouveaux tests positifs par jour ? Mériterait-elle encore dans ce cas de telles mesures ? La question est à ce jour sans réponse scientifique mais n’importe quel calcul d’ordre de grandeur conduit à l’intuition mathématique d’une circulation déjà globalisée. 10% de la population pour de nombreuses études ; 85% d’individus asymptomatiques parmi les tests positifs.

Ne devrait-on pas considérer que face à une épidémie, nous avons seulement deux façons de nous positionner, selon le R0 et la létalité connue ? : pour une maladie de type Ebola (létalité 50%), on comprend l’impériosité de circonscrire, contact-tracer et juguler l’épidémie ; pour un virus de type pseudo-grippal qui se transmet de façon exponentielle, on comprend qu’il est illusoire d’essayer de le circonscrire dès qu’il est aussi diffusé, puis qu’il devient déraisonnable et démesuré d’augmenter les moyens mis en œuvre pour y parvenir.

A-t-on une fois dans l’histoire réussi à éradiquer un virus circulant de façon endémique ? Nous avons ici affaire à une progression exponentielle dont chaque jour 1’500’000 nouveaux porteurs sont identifiés par les tests réalisés de par le monde, transmettant chacun à autant d’autres selon un R0 estimé tantôt à 1.1, parfois à 1.25 et hors mesures barrières entre 2 et 3. La seule attitude raisonnable et proportionnée ne consiste-t-elle pas à dépister tôt la maladie (lorsqu’il existe des symptômes) chez les sujets fragiles, contact-tracer et ne se distancier que lorsqu’il existe dans l’entourage des personnes à risque ? Dans le cas du Covid, l’important est un diagnostic précoce avant la désaturation « heureuse » qui permette de se tenir prêt à agir dès les premiers symptômes d’aggravation (anticoagulants, O2 et corticoïdes).

 

Des mesures disproportionnées et inefficientes

Parmi les mesures de coût médical, psychologique et social faibles, comme le masque et une distanciation sociale raisonnable, nous n’avons pas à craindre un déséquilibre de la balance bénéfice/risque. En revanche, pour le couvre-feu, les expropriations transitoires et les fermetures de groupes associatifs, pour le confinement et pour le testing de masse, la disproportion est caractérisée : le coût des tests innombrables, par exemple, (1’500’000 tests par semaine) ne serait-il pas mieux employé à rémunérer l’ensemble des services hospitaliers ? Ou à offrir des échographes portatifs à tous les internes du territoire pour dépister les syndromes interstitiels échographiques, les syndromes de condensation des pneumopathies, les épanchements et les OAP ? La réponse est évidente. Quant au confinement, les études peinent à en démontrer l’efficacité (Ioannidis 2021) (20).

 

III – REINFORMER SUR UNE PRISE DE DECISION POLITIQUE, SANITAIRE ET ECONOMIQUE BIAISEE

 

« Les deux vitesses de la pensée »

Concernant la psychologie en matière de prise de décision en situation d’incertitude et face à des systèmes complexes (de type politique, économique, médical), toute la carrière d’un prix Nobel nous apprend que l’immense majorité de nos choix, des plus simples aux plus complexes et des plus triviaux aux plus graves de conséquences, est le résultat d’automatismes approximatifs de la pensée, habituellement fiables et très rapides donc performants, mais avec un taux d’erreur considérable (Kahneman) (21).

Ces automatismes, les heuristiques, réalisent une première  »vitesse » de la pensée. Et si nous sommes équipés d’une deuxième  »vitesse », plus lente, plus énergivore mais plus systématique, logico-mathématique (Piaget), scientifique, nous ne la mettons en action que lorsque nous avons une très forte motivation et que nous en avons le temps et les indices rationnels suffisants, c’est-à-dire assez rarement. Même en matière de prise de décision face à un patient, un prêt bancaire ou un choix politique vital pour autrui.

Autrement dit : nos décideurs ne sont ni fous ni idiots ni corrompus, mais simplement dominés par des automatismes dont ils ignorent tout simplement l’existence ! Leurs émotions, leurs intérêts, leurs croyances, leur confiance en l’expertise et la probité d’autrui, sont autant d’heuristiques qui dominent leur prise de décision. Pour mieux inhiber cette première vitesse de la pensée il faut au moins y être sensibilisé (Houdé) (22).

Ce à quoi ni les médecins ni les traders ni les politiciens ne sont formés. Parmi les plus célèbres traitements heuristiques : la majorité a souvent raison « si tout le monde le fait c’est que ça doit être bon » (cf les avis du CS en de nombreux endroits : « les autres pays ont fait de même ») ; les experts ont souvent raison « ils manipulent des statistiques et des connaissances auxquelles je n’ai pas accès ».

On décrit aussi ces deux vitesses de la pensée sous l’expression de « dualité de traitement heuristique / systématique de l’information » (Meyer) (23). Et ces automatismes sont aussi le siège des conflits d’intérêts qui participent à produire des jugements orientés vers ce qui est profitable avant tout à celui qui les rend : « les médecins sont des gens qui pensent avant tout aux autres ». Le fait est qu’ils ignorent totalement la réalité d’une réflexion rationnelle biaisée de façon insidieuse par des intérêts qui ne sont pas seulement financiers mais bien souvent aussi d’ordre narcissique : le fait d’être choisi, mis en avant et appelé à s’exprimer publiquement flatte des heuristiques personnelles de l’ordre de l’émotion et de l’amour-propre. Même les magistrats les plus moraux sont soumis à des interférences comme l’a montré une très célèbre étude (Danziger) (24).

Au final, le décideur médecin n’est ni particulièrement incompétent ni particulièrement malveillant ou corrompu : il est simplement victime de ce que personne ne lui ait enseigné la psychologie de la prise de décision. On pourrait attendre mieux de l’enseignement de la médecine en 2021.

 

Un biais cognitif est à l’œuvre en politique

En politique, un biais cognitif majeur et bien connu est à l’œuvre : le biais des coûts irrécupérables est un raccourci heuristique très puissant par lequel tout ce qui a été entrepris jusqu’à présent pèse très lourd dans la prise de décision, quelle que soit sa validité démontrée au moment du choix. Par exemple, si quelqu’un a mis 200 € dans un séjour au ski mais que des chutes de neige trop faibles et un couvre-feu le rendent peu attractif, alors que ses amis qui ont décidé de ne pas y aller lui proposent de se rabattre avec eux sur un WE au bord de mer, sa décision sera très majoritairement celle d’aller au ski « pour ne pas perdre ce qui a été payé ». Un exemple tristement célèbre : les EPR français… Et bien sûr, le premier confinement, bien excusable et accepté largement par la population à une époque où le virus était encore mal connu : aujourd’hui il semble largement surdimensionné tout comme le couvre-feu et comme le dépistage de masse, mais si l’on change de politique alors « tout ce qui a précédé aura été fait en vain ». Ce biais cognitif est à rapprocher de l’aversion à la perte, une autre heuristique par laquelle la perte attendue (le risque) pèse beaucoup plus lourd que le gain espéré (le bénéfice) dans la prise de décision : à une partie de pile ou face où pile gagne 100 € et face perd 100 €, personne ne joue. A 150/100, toujours pas (le jeu n’est proposé qu’une fois). Il faut en moyenne monter à 250/100 pour que la majorité se décide. C’est la raison pour laquelle, une fois une décision prise, il est si difficile d’amener un décideur à changer de position (21). Il faut lui proposer un bénéfice très supérieur au risque.

 

Il existe bien quelque part une diffusion de ces connaissances en matière de psychologie de la prise de décision

Toutes les grandes écoles de commerce et les meilleures parmi elles manipulent ces recherches depuis des décennies. Et pour cause : pour vendre bien plus il faut orienter la prise de décision vers les raccourcis automatisés de jugement tels que les modes, les peurs, les liens sociaux fugaces des réseaux numériques, les besoins instinctifs et primaires qui sommeillent en nous. Les médecins et les politiciens ont pourtant le devoir moral d’accompagner les citoyens tout au contraire vers l’autonomie et la plénitude des facultés de jugement, vers la patience et la sérénité qui améliorent la prise de décision et minimisent l’erreur de jugement.

Ces considérations se limitent à des biais existant chez des professionnels « de bonne foi ». Il existe pourtant parmi eux des professionnels dont les biais cognitifs sont assumés et liés à des intérêts économiques connus (cf les déclarations publiques d’intérêts). Cette note n’en fera pas l’article.

Voici comment des biais « de bonne foi » orientent déjà largement l’action des médecins.

 

La rémunération spécifique oriente les médecins dans un exercice qui n’est plus indépendant

Voulant pourvoir à la santé et la sécurité des populations, les autorités de santé sont tout à fait convaincues de l’urgence et de la catastrophe. En toute bienveillance mais avec une heuristique majeure qui biaise leurs directives, elles sont sûres de bien faire en poussant du coude les médecins qui exécutent sur le terrain la politique de santé publique. Ainsi, elle les encourage par des incitations financières : cotation systématique MU (+22.6 €) en plus du coût de la visite à domicile pour toute visite Covid en EHPAD, téléconsultation largement favorisée et prise en charge à 100% ; rémunération spécifique pour le test Covid, pour la déclaration en ligne Covid, pour la vaccination Covid avec consultation en WE ou jour férié (44.06  €), en plus des aides distribuées pour perte de revenus.

En période de perte de revenus en médecine de ville du fait de la distanciation et du masque (le seul mal que l’on puisse nous souhaiter !), la tentation est grande pour un médecin de s’exonérer de tout raisonnement sur ses pratiques, d’autant que la réflexion est préétablie pour lui par une autorité de santé qui fonde elle-même ses recommandations sur un CS dont on a vu les failles rationnelles. Et pourtant, tout le monde est sûr de la bienfaisance de tous les autres. Mais l’enfer, dit-on …

Pour finir, l’exonération de la responsabilité pénale du médecin fait de lui un agent de soins désincarné et désinvesti de sa faculté et de la nécessité de juger. Ceci est en opposition manifeste avec le Code de Déontologie. Il est tout à fait sûr que c’est une vue de l’esprit et que devant la justice, chacun est responsable des soins qu’il prodigue. Nous avons bien appris depuis l’expérience de Milgram et les procès de Nuremberg.

 

Le cas de l’appel à l’exemplarité du CNOM

Satisfait de la science proposée par les laboratoires producteurs de vaccins et dans la négligence du devoir déontologique de tout médecin de juger du bien-fondé de ses actes envers son patient, le CNOM a diffusé à tous les médecins un appel à se faire vacciner (e-mail « Campagne Vaccinale anti-Covid » du 15/01/2021), puis à vacciner, conformément à l’article 12 (R.4127-13 du CSP) qui stipule qu’il « doit apporter son concours à l’action entreprise par les autorités de santé compétentes en vue de la protection de la santé ». Bien des médecins se sont sentis en danger. Pourtant, au-dessus de toute considération, il y a la protection de la santé et il apparaît que celle-ci n’est pas garantie par la science publiée à ce jour sur la vaccination que recommande le CNOM. Il n’est donc pas en contravention avec la déontologie s’il se refuse à vacciner. Dans le contexte sanitaire actuel où chaque médecin s’implique de son mieux dans les soins de ses patients, ce rappel au Code de Déontologie sonne comme une pression indue : risquera-t-on des sanctions ordinales en cas de non-participation ?

 

CONCLUSION

« Il faut apprendre à vivre avec. Mais cette vie sera différente » (Note du CS du 22/09). D’accord, mais au nom de quoi devrait-elle être si différente ? Ceci est la seule question pertinente et sa réponse ne dépend que de notre lecture de chiffres objectifs par un appareil cognitif subjectif et facilement biaisé.

Des mesures collectives « différentes » constituent pour cette épidémie des outils thérapeutiques collectifs. Or, en matière de thérapeutiques, même à l’échelle collective, tout se mesure en bénéfices et en risques. Si la situation sanitaire est délicate mais pas dramatique car du même ordre de grandeur et de même proportion que les autres années, alors les mesures actuelles sont disproportionnées.

Tout indique aujourd’hui, biais cognitifs raisonnablement écartés, que nous pouvons vivre avec. Des moyens proportionnés sont à disposition : dépistage précoce par les professionnels ; tracing des contacts à risque ; masques et distanciation raisonnables ; traitements simples et connus ; engagement constant des professionnels de santé.

La sagesse est de savoir ne pas reproduire plusieurs fois les mêmes erreurs. En mars 2020 nous ne savions pas. Cette année nous voyons mieux.

 

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BIBLIOGRAPHIE

 

https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/the-top-10-causes-of-death

Code de Santé Publique : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/texte_lc/LEGITEXT000006072665/